Val-de-Marne - Conseil départemental (aller à l'accueil) mis à jour le 14/12/2020

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Le gain de force est un levier de progression primordial, que ce soit pour l’amélioration de la condition physique ou pour la performance.

L’hypertrophie sera toujours un allié de poids pour améliorer cette force, même si elle doit être pondérée en fonction des objectifs visés.

L’utilisation de techniques avancées permet aux entraîneurs de faire progresser les pratiquants, quand ils arrivent à un niveau « intermédiaire/avancé ».

Les super-séries, que nous avons présentées précédemment, ne sont pas les seules techniques avancées pour optimiser une séance de musculation.

Par exemple, les culturistes de manière empirique, ont testé de nombreuses méthodes et ont gardé progressivement les meilleures.

Parmi celles-ci, la technique des répétitions forcées.

Cette méthode que nous vous présentons ici, s’appuie sur une réalité physiologique musculaire sous-jacente au développement de la force.

Définition et conseils autour des répétitions forcées

Les répétitions forcées consistent à ajouter des répétitions en plus de ce que le sportif est capable de réaliser seul.

Ce procédé s’est révélé efficace pour le développement de la masse musculaire.

Le principe est simple : atteindre le seuil d’échec musculaire et ajouter 1 à 4 répétitions au-delà de cet échec musculaire, tout en respectant la qualité gestuelle dans la réalisation.

Pour cela, il est nécessaire que l’entraîneur ou un partenaire d’entraînement aide le pratiquant à exécuter la phase concentrique durant les répétitions.

On demande donc à l’entraîné de faire une série de X répétitions sans assistance, jusqu’à l’échec, puis de maintenir la charge et d’exécuter Z répétions au-delà de ce seuil d’échec avec assistance.

Le principe d’ajouter des répétitions forcées est donc d’augmenter la tension mécanique (via le temps sous tension) pour provoquer l’hypertrophie.

Par ailleurs, la notion de fatigabilité va également rentrer en compte : un niveau de fatigue accentué va provoquer de multiples adaptations, notamment hypertrophiques.  Soulignons que les dégâts musculaires seront plus importants.

Attention, ici, il n’y a aucun repos relatif entre les répétitions. Il n’est pas question de poser la barre et de se reposer, même de manière incomplète.

Cependant, au vu de la fatigue créée dans la série, il convient de laisser deux à quatre secondes, pour que le sportif se remobilise correctement et se replace pour effectuer la partie excentrique du mouvement.

Mécanismes physiologiques sous-jacents

Comment est-il possible, alors que nous avons atteint l’échec musculaire, de maintenir une charge sous tension au-delà de ce seuil ?

Cette question est légitime et se justifie via différentes réalités physiologiques, caractérisant l’activité musculaire.

Regardons tout d’abord le profil force-vitesse : ce profil met en relation la force développée avec la vitesse de déplacement associée.

De manière classique, on présente cette relation avec des vitesses dites « positives ».

Ces dernières correspondent aux vitesses de contraction concentrique : on s’intéresse donc au moment où l’effort est produit.

Cette relation est inverse : Plus la charge est lourde, plus la vitesse de déplacement associée est faible (figure 1).

Cependant, cette présentation classique est incomplète : le muscle est capable de générer des tensions à vitesse nulle et à vitesse négative.

La première correspond à la contraction isométrique et la seconde à la contraction excentrique (figure 2).

Cette relation complète montre que la capacité de tension du muscle en contraction isométrique et excentrique est supérieure à celle générée en contraction concentrique.

La force maximale isométrique se situe environ à 110% du 1-RM.

La « force maximale excentrique », quant à elle, se situe à 120-130% du 1-RM.

Le muscle est ainsi capable de générer un niveau de force plus grand, lorsqu’il maintient ou « freine » un mouvement.

Cela s’explique, notamment, par la participation des structures passives : elle génère une tension passive, par l’étirement des structures.

La lecture du spectre force-vitesse nous montre donc, qu’il y a une réserve de force, en fonction de la charge déplacée.

En fonction de celle-ci, il existe encore une petite marge de développement de la force.

Par exemple dans une séance de 3*7-RM (c’est-à-dire faire les répétions avec la charge qu’on ne peut soulever que 7 fois et uniquement 7 fois) : votre état de fraîcheur, à la 3eme série ne vous permet pas de faire la 7ème répétition, mais vous la tentez quand même, vous serez capable de contrôler la descente (force excentrique encore disponible) mais vous ne serez pas capable de faire la 3ème répétition (force concentrique insuffisante).

Il faut donc une assistance via un partenaire pour vous remonter la barre. En réalité, vous avez déjà fait une répétition forcée.

Mais cette caractéristique physiologique n’est pas suffisante en soi. Il faut donc nous attarder sur la loi d’Henneman et la notion de recrutement et de fatigabilité.

La loi d’Henneman permet de décrire le recrutement des différentes typologies de fibres musculaires, en fonction de la charge. Lorsque la charge est légère, ce sont les fibres lentes qui sont recrutées.

Lorsque la charge est moyenne, les fibres lentes sont toujours recrutées mais sont secondées par les fibres mixtes (type II a). Enfin pour des charges lourdes, ce sont toutes les fibres musculaires qui sont recrutées (fibres de type I + fibres de type II a + fibres de type II b).

Les fibres à contraction lente (de type I) sont donc recrutées en premier, alors que les fibres à contraction rapide (fibre de type II b) sont recrutées en dernier (Figure 3).

Mais au-delà de cette logique de recrutement des différentes typologies de fibres musculaires, il est important de porter son attention sur la notion de fatigue, qui ne s’exprime pas de la même manière.  En effet, le recrutement de nouvelles fibres musculaires, n’implique pas que toutes les fibres soient fatiguées à la fin d’une série qui conduirait à l’échec.

Il y a donc 4 états à distinguer :

  • Fibre recrutée : fibre ayant participé à la tâche.
  • Fibre non recrutée : fibre n’ayant pas participé à la tâche.
  • Fibre fatiguée : fibre épuisée par le mouvement effectué et qui nécessite un temps de repos.
  • Fibre non fatiguée : libre qui est encore disponible pour une tache moins intensive.

Il faut donc combiner les différents états :

  • Fibre recrutée non fatiguée (NF).
  • Fibre recrutée fatiguée (F).
  • Fibre non recrutée (NR) (de facto non fatiguée par son non-recrutement).

Voici un exemple d’une série de 7-RM (figure 4) : L’ensemble des fibres I et II a sont recrutées, les II b ne sont pas recrutées.

Cependant, seules les fibres II a sont fatiguées : l’hypertrophie sera limitée à celles-ci d’un point de vue global.

Ajouter des répétitions forcées impactera donc la fatigabilité des fibres I (qui sont très peu fatigables mais avec un faible niveau de force) et le recrutement des fibres IIb (qui sont très fatigables mais développent un haut niveau de force).

Avantages/inconvénients de la technique avancée

Les avantages de ce genre de travail :

  • Augmenter le temps sous tension.
  • Forcer le recrutement des fibres non recrutées (exploiter la réserve de force).
  • Produire une fatigue de la majorité des fibres musculaires.
  • Potentialiser les dommages musculaires lors de la phase excentrique.
  • Conduire à un dépassement de soi (contrôle d’une charge, lors d’une fatigue extrême).

Les inconvénients liés à cette technique

  • Génération d’un grand niveau de fatigue.
  • Risque de blessure augmentée, si un défaut technique est présent lors de l’exécution de la phase excentrique.
  • Nécessité d’être deux, pour l’aide sur la partie concentrique.

Recommandations générales

Plusieurs recommandations sont à prendre en considération pour cette technique de travail.

Tout d’abord, impossible de faire une séance complète avec des répétitions forcées : le niveau de fatigue généré serait intenable et contre-productif.

Il faut donc limiter le travail à 5 séries par groupe musculaire et faire au plus 4 répétitions forcées en plus.

Ce nombre de répétitions forcées est en partie conditionné par l’objectif de la séance, car au-delà de l’hypertrophie, cette technique est applicable pour toutes les expressions de la force.

Pour l’hypertrophie, il ne serait pas illogique de faire 3-4 répétitions.

Avec des pratiquants expérimentés, privilégier les mouvements globaux/polyarticulaires.

Pour les autres publics, les mouvements analytiques sont également aptes à ce genre de travail.

Les adaptations seront plus grandes et plus fonctionnelles sur le premier type de mouvement que sur les seconds.

Conclusion

Les répétitions forcées sont une technique avancée notamment pour l’hypertrophie.

Même si elle est adaptable sur les autres expressions de la force (force maximale, puissance…), elle autorise une grande tension mécanique, forçant à la fois le recrutement des différentes fibres musculaires et la fatigue de ces dernières.

Conscient de la fatigue générée, l’entraîneur se doit d’être vigilant avec ce travail qui nécessite un temps de récupération plus important avant un retour à des séances qualitatives.

Benjamin DUMORTIER

Sources

  • Broussal-Derval et coll. La préparation physique moderne. 4Trainer Edition
  • Bolliet O. Approche moderne du développement de la force – 4Trainer
  • Reiss D., Prevost Pascal. La Bible de la préparation physique. Edition Amphora
  • Broussal-deval.com Les facteurs qui influent l’hypertrophie.
  • Schoenfeld B., Hypertrophie. 4Trainer. 2019
  • Arsenault, K. le recueil des techniques d’entrainement. Autoédité. 2013