PÉDIATRIE  –  Par Corinne Tutin le 30-10-2019

Hypertension essentielle : près d’une HTA sur deux en pédiatrie egora.fr

[JOURNEES PARISIENNES DE PEDIATRIE 2019] L’hypertension artérielle essentielle est fréquente chez l’enfant et aussi grave que l’hypertension secondaire.

L’hypertension artérielle essentielle était jusqu’à présent considérée comme assez rare en pédiatrie, et l’on considérait que la majorité des HTA pédiatriques sont secondaires. « En fait, près d’une HTA pédiatrique sur deux est essentielle », a souligné le Pr Tim Ulinski, chef de service de l’unité fonctionnelle de néphrologie pédiatrique à l’hôpital Armand Trousseau de Paris.

La prévalence de l’hypertension artérielle (HTA) est estimée entre 3 et 5 % entre 0 et 18 ans contre 26 % environ chez l’adulte. « Cependant, on constate d’importantes différences selon l’âge », a rappelé le Pr Ulinski : « prévalence de 0,2 % chez un nouveau-né en bonne santé mais de plus de 10 % chez un jeune de 18 ans ».

Ces HTA essentielles pédiatriques, qui ont la même sévérité que les HTA secondaires, mettent en jeu une susceptibilité génétique (polymorphismes du système rénine-angiotensine) favorisant la rétention hydrosodée, associée à des facteurs de mode de vie : stress, alimentation riche et salée, sédentarité, et jeux vidéo, qui semblent au vu d’une étude conduite chez 282 adolescents en surpoids ou obèses être un facteur indépendant d’accroissement de la pression artérielle et des lipides*.

« Mauvais hobbies plus mauvais gènes sont ainsi source de mauvaise tension artérielle chez l’enfant », résume ainsi le Pr Ulinski.

Il faudra penser à mesurer la pression artérielle avec un brassard adapté devant des céphalées, acouphènes, vertiges « mais aussi des troubles du sommeil ». Avec la prédisposition héréditaire, et le stress, le syndrome d’apnée du sommeil est d’ailleurs un pourvoyeur d’HTA essentielle chez le jeune, notamment obèse. Néanmoins, « dans la majorité des cas, l’HTA est cliniquement silencieuse ». Son dépistage est recommandé par la Société européenne d’hypertension artérielle lors de chaque consultation médicale chez tout enfant de plus de 3 ans.

On se méfiera bien sûr des enfants ayant des parents hypertendus. Mais, il faudra aussi suivre attentivement sur le plan tensionnel les enfants nés hypotrophes ou prématurés, chez lesquels le risque d’HTA est accru (prévalence de l’HTA estimée à 7 % à 3 ans chez les prématurés). Les enfants avec une cardiopathie congénitale, des pyélonéphrites aigües à répétition, une malformation urinaire ou une maladie rénale chronique, ou ayant eu une transplantation d’organe ou un traitement pour cancer, devront aussi bénéficier d’une surveillance tensionnelle.

Des critères plus exigeants que chez l’adulte

L’HTA pédiatrique est définie par au moins 3 mesures de pression artérielle au-dessus du 95e percentile rapporté à l’âge et au sexe. Le diagnostic d’HTA essentielle, qui est un diagnostic d’élimination, ne sera porté qu’après un bilan d’exploration, plus important chez l’enfant prépubère, et tenant bien sûr compte du contexte clinique.

Le praticien devra demander les antécédents personnels et familiaux de l’enfant (HTA, maladies rénales, phacomatoses), préciser la liste des traitements médicamenteux en cours, et examiner l’enfant pour rechercher une asymétrie pulsatile, un souffle abdominal ou lombaire en faveur d’une sténose vasculaire, des tâches café au lait ou achromiques pouvant par exemple évoquer une maladie de Recklinghausen à l’origine d’une HTA.

Les examens de première intention sont représentés par le bilan biologique (ionogramme, urée, créatinine, protéinurie), l’échographie rénale avec Doppler pour repérer une possible sténose vasculaire ou une anomalie du parenchyme rénal ou des voies urinaires, l’échographie cardiaque qui pourra mettre en évidence une hypertrophie ventriculaire gauche, assez courante dans l’HTA de l’enfant, ou plus rarement une coarctation de l’aorte.

Les examens de deuxième intention sont constitués par l’angioscanner ou l’IRM pour rechercher une cause vasculaire non vue en échographie, les dosages à la recherche d’une cause endocrinienne (cortisol, 17-0H progestérone, aldostérone, rénine, catécholamines urinaires, hormones thyroïdiennes).  L’adolescent obèse devra, quant à lui, bénéficier d’un bilan métabolique (glycémie, cholestérol, triglycérides, acide urique).

Une automesure tensionnelle au domicile pourra être proposée aux adolescents pour étayer le diagnostic, « et même dès l’âge de 8-9 ans chez beaucoup d’enfants ».

La prise en charge commence bien sûr par réduire les apports en sel, encourager à la pratique d’un sport régulier, en impliquant psychologues, diététiciennes, éventuellement travailleurs sociaux. Des médicaments seront malgré tout administrés si les enfants restent hypertendus malgré les modifications de style de vie, si l’HTA est symptomatique, ou encore de stade 2 (> 99e percentile plus 5 mmHg) sans facteur de risque modifiable, si l’HTA s’associe à un diabète ou à une insuffisance rénale chronique.

« Il ne faut pas (trop) hésiter à débuter un traitement anti-hypertenseur mais on essayera ensuite de l’arrêter », a conseillé le Pr Ulinski. Les classes thérapeutiques de choix sont représentées par les IEC et les ARAII, l’amlodipine, et, la première année de vie, les bêta-bloquants.

*Goldfield GS, et al. PLoS One, 2011 ; 6(11) :e26643.

Sources : Journées Parisiennes de Pédiatrie (4 et 5 octobre). D’après la communication de T. Ulinski (Paris).

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