Paris, le jeudi 21 octobre 2021 – Publié le 21/10/2021
Le 25 septembre dernier, l’équipe du Pr Robert Montgomery à l’hôpital NYU de Langone de New-York a réalisé une intervention inédite.
Le patient était en état de mort cérébrale, mais sa famille avait accepté de différer le débranchement des appareils le maintenant en vie afin que soit réalisée une expérience majeure pour l’avenir de la transplantation : la greffe d’un rein de porc.
Une anastomose a été réalisée entre les vaisseaux du greffon et du receveur, mais l’organe n’a pas été inséré dans la fosse iliaque.
La conservation de l’organe à l’extérieur a ainsi facilité l’observation de l’évolution.
Or, très rapidement, une fonction rénale normale a pu être rétablie avec des niveaux de créatinine satisfaisants.
Aucun phénomène de rejet n’a été constaté.
L’expérience a dû être interrompue au bout de trois jours conformément au protocole établi.
Le caractère très court de ce délai est reconnu par Robert Montgomery qui observe « Ce qu’il se serait passé après trois semaines, trois mois, trois ans, cela reste une question ».
Il insiste cependant « Mais c’est néanmoins un pas intermédiaire très important, qui nous indique qu’a priori, au moins au départ, les choses se passeront bien ».
Rein génétiquement modifié
Les détails de cette intervention et du traitement immunosuppresseur mis en place devraient être présentés dans quelques semaines via une publication dans une revue à comité de lecture.
Cette dernière décrira également les caractéristiques du greffon.
Il s’agit en effet d’un organe de porc génétiquement modifié, afin qu’il ne produise plus de glycane, un sucre à l’origine d’une réponse immunitaire importante chez l’humain et qui avait été identifié comme la cause du rejet cataclysmique dont avait été victime une jeune femme de 26 ans en 1993, qui avait reçu une greffe de foie de cochon.
La production de ces reins de porc modifiés a été réalisée par l’entreprise américaine Revicivor (qui appartient à United Therapeutics).
Les étapes à venir sont la réalisation d’expérimentations similaires (chez des sujets en état de mort cérébral) mais pendant une durée plus longue, avant d’envisager non seulement une production industrielle de ces greffons génétiquement modifiés, mais surtout des xénogreffes en routine si la tolérance de ces greffons était confirmée.
Apprendre aux cochons à faire le singe
Dès les premiers pas de la greffe, l’idée de l’utilisation d’animaux pour pallier la pénurie d’organes a été expérimentée.
L’implantation d’un cœur de babouin chez un nouveau-né atteint d’une malformation cardiaque en 1984 avait été l’objet de très nombreuses interrogations éthiques, en raison de la mort de l’enfant 20 jours plus tard.
Ces considérations concernaient non seulement les risques pour le receveur (dont certains sont complexes à prévenir, tel le risque infectieux), mais aussi la question de la pertinence de l’utilisation de primates pour de telles expériences.
Dès lors, de nombreuses équipes ont commencé à s’intéresser aux cochons, dont la physiologie est extrêmement proche de nous, mais qui, compte tenu de leur présence dans l’alimentation, ne sont pas associés aux mêmes réticences anthropomorphiques.
Par ailleurs, la production industrielle de cochon est parfaitement rodée et repose sur un atout majeur : ils atteignent leur taille adulte en neuf mois, soit quinze fois plus vite que les primates, dont nous faisons partie.
Valves et fragments de peau
Avec le développement des travaux évaluant la xénotransplantation à partir d’organes de porcs, les manipulations génétiques nécessaires à l’élimination de certaines différences rédhibitoires entre ces animaux et les humains (qui concernent notamment la transmission de certains virus) se sont également développées.
Ainsi, une ferme allemande basée à Munich est spécialisée dans l’élevage de porcs génétiquement modifiés.
Cet élevage (et d’autres dans le monde) contribue ainsi à la production de valves cardiaques ou de fragments de peau utilisés pour les grands brûlés.
Des expériences remarquables chez le primate
Ces « fermes » fournissent également les équipes qui mènent des expérimentations chez le primate.
Ainsi, en décembre 2018 ont été publiés dans Nature les travaux fondamentaux d’une équipe allemande.
Ils ont mis en évidence que des greffons génétiquement modifiés (afin d’inhiber certains marqueurs spécifiques à l’espèce porcine et parallèlement de favoriser l’expression de marqueurs comparables à ceux des primates) implantés chez des singes privés de leur cœur (alors que les cœurs natifs des babouins ainsi transplantés auparavant étaient conservés) permettaient de garder en vie les animaux receveurs pendant plus de 180 jours.
Ces résultats étaient d’autant plus remarquables qu’ils se rapprochaient des préconisations de la Société internationale de transplantation cardiaque considérant que pour envisager la transposition des travaux conduits chez l’animal à l’homme, il fallait obtenir la survie de 60 % de primates ayant reçu un cœur de porc pendant plus de trois mois avec au moins 10 animaux survivants.
L’intervention newyorkaise est indubitablement une étape supplémentaire (même s’il s’agit ici de transplantation rénale).
Aurélie Haroche
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