Accueil Course au large  Transat Jacques Vabre

Louis Burton et Davy Beaudart ont reformé leur duo sur leur nouveau Bureau Vallée 3 (ex L’Occitane en Provence d’Armel Tripon) pour la Transat Jacques Vabre 2021.

Voiles et Voiliers a pu embarquer avec eux pour un convoyage musclé entre Saint-Malo et Le Havre, lieu de départ de cette transatlantique en double dont le coup d’envoi sera donné le 7 novembre.

L’occasion rêvée de découvrir le potentiel et la brutalité de la machine ainsi que la complicité du duo.

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L’IMOCA Bureau Vallée 3 affiche des performances exceptionnelles mais au prix d’efforts très intenses et d’une à vie à bord compliquée. | VINCENT CURUTCHET

Olivier BOURBON. Modifié le 30/10/2021 à 18h57

Ce bateau est hyper impressionnant, violent, rapide, c’est dingue. Dès qu’on pousse la barre, les accélérations sont complètement folles !

Voiles et Voiliers : Louis, Davy, vous avez récupéré le bateau à l’issue du Vendée Globe 2020-2021. Comment se passe la prise en main de Bureau Vallée 3 ?

Louis Burton : Depuis le début, nous découvrons ensemble le bateau avec Davy.

Il n’y en a pas un qui a plus d’expérience que l’autre sur cette machine, nous sommes au même niveau de navigation et d’échanges.

Cela permet d’accélérer l’apprentissage. Ce qu’il en ressort, de mon point de vue, c’est un potentiel énorme de 70 à 130 degrés du vent, bien supérieur à celui de Bureau Vallée 2 (l’ex Banque Populaire VIII d’Armel Le Cléac’h, mis à l’eau en 2015, NDR).

Bureau Vallée 3 est dans le top de la flotte à ces allures d’après nos premières confrontations.

La différence est pour le moment moins flagrante au près et aux allures de vent arrière mais nous avons encore beaucoup de choses à découvrir avec les nouvelles voiles que nous venons d’installer.

Ce bateau est hyper impressionnant, violent, rapide, c’est dingue. Dès qu’on pousse la barre, les accélérations sont complètement folles ! Pour les bonshommes, c’est éprouvant.

Davy Beaudart : Pour développer sur ce côté humain, je dirais qu’on commence à avoir des bateaux d’une brutalité extrême qui mettent les organismes à rude épreuve.

Vivre à bord et se déplacer devient vraiment très complexe.

On avait déjà passé un cap avec les premiers foilers mais là on atteint des niveaux de dangerosité assez forts.

Aux allures de reaching, dès 15 nœuds de vent, c’est un changement de monde.

On sent vraiment que ça tire fort, on atteint des vitesses des trimarans Orma des années 2000, c’est hallucinant.

Il va falloir encaisser et supporter ça sur la longue durée.

On s’habitue petit à petit mais à chaque démarrage au reaching un peu violent, il nous faut quelques minutes voire quelques heures pour se réhabituer à la dureté du bateau.

Pour des gens pas habitués, ça fait peur, il n’y a pas d’autre mot. Mais il faut en passer par là pour avoir des machines aussi rapides.

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Comme en 2019, Davy Beaudart (à gauche) et Louis Burton s’associent pour la Transat Jacques Vabre. Cette fois, ils partent à bord du scow Bureau Vallée 3. | VINCENT CURUTCHET

Voiles et Voiliers : Les efforts encaissés par le bateau sont colossaux…

Louis Burton : Oui, on atteint également une autre dimension en termes d’efforts.

Au niveau de la structure, cela n’est pas trop dérangeant car le bateau a été dimensionné pour résister.

En revanche, les pièces monotypes ont été conçues bien avant qu’on imagine construire des bateaux si puissants.

Nous devons avoir une vraie approche de la gestion de la zone rouge, pour déterminer à quel moment on tire trop sur le bateau.

C’était déjà le cas avec la première génération d’IMOCA à foils mais là c’est exacerbé.

On peut arriver assez tôt en butée de charge, pas besoin d’avoir 45 nœuds de vent pour entrer en zone rouge. On peut tout péter en trois minutes.

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On ne doit plus se soucier tout le temps de ce qu’il y a devant, de ce qui peut casser, sinon on ne vit plus

Voiles et Voiliers : Mentalement, il faut accepter que le bateau aille aussi vite, notamment dans la nuit noire…

Davy Beaudart : Il faut débrancher quelques cases dans le cerveau (rires).

Au final, c’est une question d’expérience, on ne doit plus se soucier tout le temps de ce qu’il y a devant, de ce qui peut casser, sinon on ne vit plus.

Louis Burton : La veille visuelle est limitée aux allures les plus rapides.

Il faut donc pouvoir compter sur un radar et un AIS qui fonctionnent parfaitement.

Cela permet d’être plus apaisé mentalement même si Davy a raison, il faut pouvoir débrancher quelques cases…

Voiles et Voiliers : Et physiquement, qu’implique la navigation sur cette nouvelle machine ?

Davy Beaudart : Nous sommes obligés de durcir le corps.

Les manœuvres sont dures physiquement mais c’est surtout la vie à bord qui est exigeante.

On prend des gros chocs. Il faut pouvoir encaisser, encaisser, encaisser et donc être en très bonne forme pour pouvoir pousser le bateau.

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Louis Burton et Davy Beaudart ne tarissent pas d’éloges sur leur nouvelle machine, même si elle met le mental et l’organisme à rude épreuve. | VINCENT CURUTCHET

Au bon plein, à 70 degrés du vent, on peut marcher à plus de 20 nœuds, cela n’existait pas avant

Voiles et Voiliers : Avec ce bateau, à combien estimez-vous le gain en performance par rapport à Bureau Vallée 2 ?

Davy Beaudart : Ça se compte en dizaines de pourcents. Plus on va vite, plus le foil agit et redresse le bateau.

Dès que la boucle est lancée, il se crée du vent et c’est parti, ça fonce ! Le paramètre limitant est l’état de la mer.

Louis Burton : En vitesse max, la différence est énorme. Mais parlons de ce qui nous intéresse le plus, la vitesse moyenne.

Quand on tenait 20 nœuds de moyenne avec le précédent bateau, on va plutôt être à 23-24 nœuds avec celui-ci dans les allures favorables.

Au bon plein, à 70 degrés du vent, on peut marcher à plus de 20 nœuds, cela n’existait pas avant.

Voiles et Voiliers : Davy, tu es convaincu par le concept des scows depuis de nombreuses années puisque tu naviguais déjà sur de tels bateaux en Mini 6.50…

Davy Beaudart : C’est un concept qui fonctionne hyper bien, pour toutes les classes de bateaux, les chiffres le montrent.

En IMOCA, Sam Manuard a mis un coup de pied dans la fourmilière.

Ça va être très intéressant de voir ce que vont faire les autres architectes suivant ce concept. Je suis persuadé qu’ils vont s’y mettre et sortir d’autres versions intéressantes.

Le problème, c’est que la navigation devient violente avec 15 nœuds de vent. Sur un Vendée Globe, il faut se l’enquiller pendant 80 jours

Voiles et Voiliers : Louis, on imagine que tu es également convaincu par ce concept étant donné que tu as racheté ce bateau ?

Louis Burton : Je pense que c’est dans l’absolu la bonne option architecturale.

Après, quand vont entrer en jeu toutes les questions de résistance humaine, difficile de dire qui aura raison à la fin.

Le problème, c’est que la navigation devient violente avec 15 nœuds de vent. Sur un Vendée Globe, il faut se l’enquiller pendant 80 jours.

Davy Beaudart : Dans ce cas-là, tu peux naviguer à 80 % du potentiel et être déjà très rapide dans la flotte.

Cela facilite le travail de vitesse car même en n’étant pas à fond tu vas très vite, c’est un grand atout sur un Vendée Globe.

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Troisième du Vendée Globe 2020, Louis Burton sera à nouveau au départ du tour du monde en solitaire et sans escale en 2024, pour la quatrième fois consécutive. | STÉPHANE MAILLARD

Voiles et Voiliers : Bureau Vallée 3 est un IMOCA très évolutif. Quelles sont les modifications possibles ou déjà prévues dans la perspective du Vendée Globe 2024 ?

Louis Burton : Le même bateau va sortir avec la nouvelle jauge pour Sam Davies l’année prochaine.

Il sera intéressant de voir si cette carène va aller plus vite ou moins vite avec cette jauge.

C’est ce qui va nous guider vers des grandes modifications, ou pas. Dans tous les cas, nous allons beaucoup travailler pour améliorer les systèmes existants.

Davy Beaudart : Il faut vraiment pousser sur la fiabilité du bateau, c’est l’enjeu le plus important pour être performant sur les grandes courses.

Il ne faut pas faire de l’innovation en permanence pour repartir à zéro à chaque fois.

Voiles et Voiliers : Parlons du duo que vous formez. Depuis quand vous connaissez-vous ?

Louis Burton : Depuis longtemps ! On participait tous les deux au Trophée Atlantique en IRC quand on avait 20 ans. On s’est connus comme ça, puis nous sommes devenus très bons amis.

Davy Beaudart : Nous avions des centres d’intérêt communs. Quand Louis s’est lancé dans la course au large, pour la Route du Rhum 2010 en Class40, c’était une sacrée aventure.

Je l’ai accompagné jusqu’au départ. Il a vite enchaîné en IMOCA, là encore j’étais là au début.

En fait, je l’ai accompagné sur tous ses premiers projets fous !

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Davy Beaudart est un ami proche de Louis Burton et un excellent marin, qui a notamment brillé en Mini 6.50. | SAILING ENERGY/THE OCEAN RACE

Voiles et Voiliers : Vous avez pourtant mis du temps à participer à votre première grande course ensemble, la Transat Jacques Vabre 2019…

Louis Burton : Davy avait un programme de régates très chargé en Mini 6.50. Il n’était pas disponible.

La Mini Transat tombe toujours pendant la Transat Jacques Vabre.

Davy Beaudart : Effectivement, nos plannings ne concordaient pas. Quand j’ai arrêté de faire mes conneries en Mini je me suis rendu disponible pour faire autre chose.

J’ai aussi beaucoup navigué avec Yves Le Blevec, en Multi 50 et en Ultim.

On prend nos qualités respectives pour essayer de faire un beau mélange

Voiles et Voiliers : Comment fonctionne votre duo : par de nombreux points communs, par complémentarité, par complicité ?

Davy Beaudart : Beaucoup de complicité et de confiance l’un envers l’autre. Je ne suis pas un mercenaire qui vient faire une pige.

J’aime construire des projets dès le début pour faire un vrai accompagnement.

Cela plaît bien à Louis et son équipe. Sur l’eau, ça marche très bien, tout paraît naturel.

Louis est un peu plus à l’attaque, un peu plus dans le feu que moi de temps en temps. Un peu moins en vieillissant quand même…

Louis Burton : Et moins sur ce bateau aussi ! (rires)

Davy Beaudart : Sur Bureau Vallée 2, j’étais plutôt du genre à tempérer, ce qui n’était pas forcément toujours intelligent. Sinon, on construit les décisions à deux, on fait la stratégie ensemble.

On prend nos qualités respectives pour essayer de faire un beau mélange.

Louis Burton : Davy a un parcours très pointu, très technique, ce qui n’est pas mon cas : j’ai globalement deux mains gauches quand il s’agit de bricoler.

Je me repose beaucoup sur Davy dans la préparation du bateau.

Cela nous permet de passer davantage de temps sur l’eau, de faire plus de courses.

On n’avait jamais autant navigué que cette année, alors que c’est un retour de Vendée Globe où j’aurais pu me dire que j’allais faire deux jours sur le Défi Azimut et que ça irait bien comme ça.

Mais comme tout est fluide et agréable, nous avons une énergie incroyable.

Louis et Davy forment un duo complice et par bien des aspects complémentaire. | STÉPHANE MOREL

On va se bagarrer comme des chiens pour essayer de mettre tout le monde derrière

Voiles et Voiliers : Quel est votre objectif sportif sur la Transat Jacques Vabre ?

Davy Beaudart : On vise un Top 5. Il y a face à nous des grosses équipes avec des marins qui connaissent très bien leurs bateaux.

Louis Burton : On va se bagarrer comme des chiens pour essayer de mettre tout le monde derrière mais ce sera difficile.

Si on n’est pas largués au moment d’attaquer le dernier bord au reaching pour aller en Martinique, on pourra peut-être faire la différence en vitesse pure.

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