Accueil Course au large record

C’est une immersion rare dans le monde de la course au large. Jean-Pierre Dick, notamment quadruple vainqueur de la Transat Jacques Vabre en Imoca, a proposé à Voiles et Voiliers d’embarquer un journaliste pour battre un record vieux de 40 ans, entre les Bermudes et Lorient.

La ligne de départ ouvrira le 7 mai pour cette traversée de près de 3 000 milles sur l’Atlantique Nord qui s’annonce engagée. Nous vous ferons vivre cette aventure de l’intérieur, dans le magazine et sur notre site.

Jean-Pierre Dick nous invite sur l’Atlantique à bord de son JP54 Notre Méditerranée-Ville de Nice. Une image contenant texte, clipart

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Jean-Pierre Dick nous invite sur l’Atlantique à bord de son JP54 Notre Méditerranée-Ville de Nice. | COPURCHIC

Olivier BOURBON. Publié le 12/03/2023 à 14h00

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TÉMOIGNAGE. Je vais tenter de battre un record sur l’Atlantique avec Jean-Pierre Dick (ouest-france.fr)

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« Veux-tu embarquer pour une tentative de record entre les Bermudes et Lorient ? »

Voilà une proposition absolument impossible à décliner pour un passionné de voile et de course au large, surtout quand elle émane d’un marin au palmarès impressionnant.

Jean-Pierre Dick a remporté deux Barcelona World Race (le tour du monde en double en Imoca) et quatre Transat Jacques Vabre.

Il a aussi participé quatre fois au Vendée Globe et, plus récemment, remporté la Route du Rhum 2022 en catégorie Rhum Mono, à bord de son JP54 Notre Méditerranée-Ville de Nice conçu avec l’architecte Guillaume Verdier.

C’est justement sur ce bateau qu’il me propose de faire partie de son équipage sur l’Atlantique.

Évidemment, j’accepte sans hésiter cette opportunité fantastique.

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Il faut être prêt mentalement à affronter du gros temps

Cette tentative de record sur l’Atlantique Nord se fait dans le cadre du « Défi Pure Ocean », dont ce sera la quatrième édition.

Les deux premières se sont déroulées entre Saint-Pierre-et-Miquelon et Lorient, tandis que la troisième s’est élancée des Bermudes en mai 2022.

Cette tentative s’est soldée par un abandon aux Açores en raison de problèmes techniques et des conditions météo très rudes rencontrées.

Le temps de référence entre les Bermudes et Lorient est donc toujours détenu par Eugène Riguidel et Jean-François le Menec à bord de William Saurin, un trimaran de 27 mètres de long, en 12 jours 23 heures et 16 minutes.

C’était il y a tout juste 40 ans, en 1983. Le meilleur temps en monocoque n’est que de 12 minutes plus lent et il a été réalisé par Jean-Claude Parisis et Olivier de Rosny à bord de Fernande en 1979.

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Christian Dumard et Jean-Pierre Dick exposent les enjeux du parcours. L’image est parlante : il faut se préparer à affronter les dépressions de l’Atlantique Nord. | OLIVIER BOURBON

Malgré son immense expérience (il a bouclé cinq tours du monde en course), Jean-Pierre Dick aborde cette nouvelle tentative avec un enthousiasme intact.

« C’est une zone du globe où la nature est assez exceptionnelle, nous explique-t-il.

Sur ce parcours, on croise les grandes dépressions, les grands courants océaniques comme le Gulf Stream, peut-être des icebergs.

Ce qui me fait encore vibrer dans ce sport, c’est d’être témoin de tous ces phénomènes superbes.

Le parcours est plus engagé que les transats dans les alizés. La traversée peut être difficile, l’expérience de l’an passé le prouve.

Il faut être prêt mentalement à affronter du gros temps, en mai c’est plutôt courant. Le bateau est prêt pour résister à ces conditions. »

Un petit Imoca

Le bateau, justement, est un JP54 dessiné par Guillaume Verdier, un architecte bien connu dans l’univers de la course au large, et lancé en 2010.

Ne trouvant pas son compte dans les voiliers de grande production, Jean-Pierre Dick a imaginé son voilier idéal, un monocoque de « croisière » de 54 pieds à la fois performant et confortable.

Le bateau reste léger (9 tonnes) pour garder le plaisir des surfs et de la haute vitesse sous voiles.

Carène large et tendue, vaste cockpit, quille pendulaire, mât et bôme en carbone, grand-voile à corne, trois emmagasineurs de voiles d’avant : le JP54 fait penser à un petit Imoca.

Il est toutefois beaucoup plus confortable que les 60 pieds du Vendée Globe, avec quatre cabines et un intérieur au design très original et fonctionnel.

C’est donc à bord d’un très joli bateau que nous allons nous attaquer au record Bermudes/Lorient. Avant de nous élancer, à partir du 7 mai, nous aurons un entraînement de trois jours et trois nuits au large des Bermudes, afin de nous familiariser avec la machine.

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Le JP54 (ici au départ de la Route du Rhum 2022) allie les performances des voiliers de course modernes au confort d’une unité de croisière. | JEAN-LOUIS CARLI

Un équipage de six personnes, dont quatre amateurs

Pour s’attaquer à ce défi, Jean-Pierre Dick ne s’entoure pas d’une armada de coureurs au large surentraînés.

Il sera bien accompagné d’un autre navigateur professionnel, Fabien Biron, mais le reste de l’équipage sera composé de quatre amateurs éclairés, dont je fais partie.

Dick explique ce choix : « Depuis plusieurs années, j’entreprends de transmettre à des amateurs passionnés ce que l’océan m’a appris au travers des courses au large.

J’aime cette opportunité de partager mon expérience et mes connaissances. »

Pour nous, un tel défi ne s’improvise pas. Nous avons commencé notre préparation le lundi 6 mars, par une formation météo à Nantes avec Jean-Pierre Dick et l’un des meilleurs routeurs de bateaux de course au large, que les lecteurs de Voiles et Voiliers connaissent : Christian Dumard.

Ce dernier nous a d’abord rappelé les bases de la météo hauturière, ce qui a permis un bon rafraîchissement clair et complet.

Il a ensuite évoqué les conditions type sur le parcours et les principes du routage.

Nous avons fini par des exercices pratiques de routage sur le parcours Bermudes/Lorient, en utilisant les logiciels Squid X (qui permet de télécharger et de gérer des fichiers météorologiques) et Adrena.

Durant cette journée de formation, on sentait un bel état d’esprit général, une motivation et une impatience palpable.

Nous avons pu appréhender théoriquement les grands phénomènes météo décrits précédemment par Jean-Pierre Dick, en attendant de les vivre en réel.

Beaucoup de portant au programme

En exposant les enjeux de ce record difficile, Christian Dumard nous a donné une bonne nouvelle : il devrait y avoir beaucoup de portant sur notre route « À partir des Bermudes, on part au Sud de la plupart des dépressions qui circulent. Normalement elles arrivent soit des États-Unis, soit du Canada, analyse le météorologue et routeur. 

L’idéal est de partir en avant d’une dépression, dans un vent de Sud-Ouest plus stable et sur une mer moins formée. Il faut ensuite essayer de rester le plus longtemps possible en avant du front.

En général, les dépressions sont encore nombreuses au mois de mai sur l’Atlantique Nord et il y a une forte probabilité d’avoir du vent portant jusqu’au bout. »

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Une formation météo organisée à Nantes avec Christian Dumard a permis à l’équipage de se mettre dans le bain, au niveau de la théorie du moins. | OLIVIER BOURBON

Pour pimenter la traversée, le record se fera en mode duel face à un catamaran de 42 pieds, le TS42 Banzaï.

Nous ferons en sorte de partir au même moment pour pouvoir nous confronter directement.

« Nous avons eu de belles batailles contre le JP54 lors des courses du RORC et malgré la différence monocoque/multicoque, nos vitesses sont similaires, donc cela promet d’être une belle course », souligne Vincent Willemart, le skipper belge de Banzaï.

À noter qu’un troisième bateau se joindra peut-être à l’aventure.

Un défi au service de la préservation des océans

Outre la dimension sportive et la volonté d’établir un nouveau temps de référence, ce défi sera le support d’une campagne de sensibilisation sur l’importance de l’océan et les menaces qui pèsent sur sa santé.

Cela se fait à travers un soutien au fonds de dotation Pure Ocean, dont la mission principale est de soutenir des projets de recherche appliquée innovants pour la protection de la biodiversité et des écosystèmes marins.

Pure Ocean organise également des événements pour accroître la compréhension du grand public de la situation critique à laquelle l’océan est confronté, et la nécessite de le protéger.

C’est ainsi que durant le Défi Pure Ocean, nous allons collecter des données utiles aux études scientifiques pour la protection de l’océan et lever des fonds pour la recherche.

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