Sydney lancera les 28 et 29 février prochains la Saison 2 du circuit Sail GP qui accueille cette année deux nouvelles équipes, danoise et espagnole. Sail GP 2020 est également marquée par l’arrivée dans l’équipe anglaise du redoutable Ben Ainslie, sérieux client pour la victoire finale. C’est ce que pense en tout cas Philippe Presti, le coach français de l’équipe australienne, tenante du titre. Et il nous dit pourquoi.
Deux nouvelles équipes, danoise et espagnole, sont venues compléter la flotte du Sail GP 2020, qui passe de 6 à 7 bateaux après le retrait des Chinois. | BRIAN CARLIN / SAIL GP
Christophe FAVREAU. Publié le 23/02/2020 à 11h59
Voiles et Voiliers : L’épreuve australienne lance le week-end prochain le circuit Sail GP 2020. Qu’est ce qui change cette année ?
Philippe Presti : Dans un premier temps il y a de nouvelles équipes, avec dans l’ordre d’apparition l’équipe danoise, qui compte quelques spécialistes de ce genre de bateau comme le régleur d’aile australien Tom Johnson qui était avec nous lors de la Coupe de l’America aux Bermudes, en 2017, sur Oracle. Il vient de finir 6ème du championnat du monde de Moth international !
Cette nouvelle équipe dispose du seul bateau neuf de la flotte et de la nouvelle aile à quatre panneaux qui va progressivement se généraliser sur les autres F50. J’ai vu naviguer ces Danois. Ils ont encore une bonne marge de progression, même s’ils se sont déjà pas mal entraînés en Nouvelle-Zélande, pendant l’été Austral.
Vainqueur de la saison 2019 du circuit Sail GP avec les Australiens, le coach français Philippe Presti revient avec la même équipe. | CHRISTOPHE FAVREAU
Voiles et Voiliers : Et la deuxième équipe ?
Philippe Presti : Il s’agit de l’équipe espagnole. Ils prennent la place des Chinois qui ont arrêté pour une raison que j’ignore et c’est Phil Robertson, l’ancien skipper de ce bateau qui a pris la tête de cette équipe constituée de jeunes espagnols issus de la Youth America’s Cup ou de l’Olympisme. Je les ai vus naviguer et j’ai été agréablement surpris. Je les trouve bons. Je ne serai pas étonné qu’ils soient rapidement performants.
Voir aussi :
Sail GP. Une première victoire pour les Français, le million de dollars pour les Australiens !
Sail GP. Philippe Presti : « Mon GPS m’a indiqué plus de 57 nœuds ! »
SailGP. Philippe Presti : « En F50, on passe dans une autre dimension ! »
Ils seront très performants dès le départ.
Voiles et Voiliers : Il y a aussi l’arrivée de Ben Ainslie !
Philippe Presti : Oui ! C’est l’épouvantail du circuit qui débarque avec la structure INEOS avec laquelle il prépare également la Coupe de l’America. Plus les cerveaux du Team Japan de l’an dernier : les Australiens Luke Parkinson, contrôleur de vol, et Iain Jensen, régleur d’aile. Ce qui n’arrange pas les affaires de Nathan Outteridge !
Je les ai vus naviguer et ils sont déjà très au point. Ils seront très performants dès le départ. Bref, cela va être un gros morceau mais c’est génial que Ben Ainslie soit présent, cela va donner encore plus de crédibilité au circuit. Russel Coutts doit être content de cette arrivée.
L’équipage danois a dû se familiariser avec l’intense trafic de la baie de Sydney. Une mise en jambes stressante ! | BRIAN CARLIN / SAIL GP
Voiles & Voiliers : Vous dites que ça n’arrange pas Nathan Outteridge ?
Philippe Presti : La perte de Iain Jensen est énorme pour lui. C’est son régleur d’aile de toujours et l’équipier de 49er avec lequel il a été deux fois médaillé olympique (Or à Londres et Argent à Rio). Si l’on ajoute le départ de Luke Parkinson aux réglages de foils, on peut légitimement supposer que le début de saison ne va pas être facile pour Nathan Outteridge.
Il va nécessairement y avoir un temps d’adaptation et j’espère pour lui que ce temps sera rapide. En tout cas, ce sera compliqué de toute façon, d’autant plus que la règle qui empêche d’avoir trop d’équipiers étrangers est passée de trois à deux seulement…
Voiles et Voiliers : Et concernant l’équipe Australienne dont vous vous occupez ?
Philippe Presti : Nous sommes repartis sur les mêmes bases que l’an dernier, avec les mêmes personnes. Lors des premiers entraînements, nous étions déjà performants. Tom Slingsby et Kyle Langford viennent même de finir respectivement premier et deuxième du Mondial de Moth International qui s’est déroulé en janvier en Australie. Cela montre qu’ils sont vraiment très bons mais il faudra se méfier d’un quelconque excès de confiance. Ces bateaux peuvent vous rappeler à l’ordre très très vite !
Si nous sommes sûrs de ‘ passer’ toutes nos manœuvres, cela va nous rendre beaucoup plus libres stratégiquement.
Voiles et Voiliers : Comment vous entraînez-vous ? Quelles sont les évolutions par rapport à 2019 ?
Philippe Presti : Nous n’avons pas pu nous entraîner tant que cela l’année dernière puisque nous avons eu droit à moins de jours de navigation que les autres équipes (L’octroie de jours supplémentaires d’entraînement se fait par les organisateurs qui privilégient les équipes les moins performantes – N.D.L.R.). Malheureusement, à Marseille l’an dernier, là où nous disposions du même nombre de jours que les autres, Kyle Langford s’est blessé.
Nous venons de récupérer notre bateau et nous pouvons commencer à tester des choses que nous avions en projet. Nous travaillons beaucoup notamment sur de nouveaux protocoles de manœuvres, pour faire que celles-ci passent à chaque fois, désormais. Nous sommes à la recherche de la plus grande efficacité possible à ce niveau-là car cela augmente d’autant les possibilités tactiques. Si nous sommes sûrs de « passer » toutes nos manœuvres, cela va nous rendre beaucoup plus libres stratégiquement. Et nous attendons de voir les performances de Ben Ainslie pour pouvoir nous jauger.
Les figures de style n’ont pas manqué lors des reprises des entraînements en baie de Sydney, comme ici l’équipage américain. | MATT KNIGHTON / SAIL GP
Voiles et Voiliers : Vous pensez que Ben Ainslie sera l’étalon du circuit ?
Philippe Presti ; Il y a peu de chances pour qu’il se rate, je connais bien la bête ! Il a un équipage de talent, notamment en termes de réglage et de vol, donc il ne lui reste plus qu’à barrer ; ce qu’il a fait toute sa vie et plutôt bien ! Et si l’on parle des grinders, ils sont du calibre de la Coupe de l’America. Sans compter toutes leurs ressources de coaching et d’analyse de datas.
En 2019, Nathan Outteridge avait beaucoup plus d’expérience à la barre mais notre équipe avait beaucoup plus de vécu collectif,
Voiles et Voiliers : En tant que tenants du titre, quelles vont être vos recettes pour le conserver ?
Philippe Presti : Nous avons la chance d’avoir une équipe super-homogène. En 2019, Nathan Outteridge avait beaucoup plus d’expérience à la barre mais notre équipe avait beaucoup plus de vécu collectif, puisque c’était la même que celle de la Coupe de l’America aux Bermudes, hormis Jimmy Spithill. Et nous avons bénéficié en 2019 d’une très bonne préparation du bateau. Cela fait la différence aussi. Et puis c’était aussi une revanche sur ce qui a pu se passer aux Bermudes ! Donc il y avait beaucoup de motivation, plus du talent.
Voiles et Voiliers : On a l’impression que vous prenez beaucoup de plaisir à les entraîner.
Philippe Presti : C’est génial, effectivement. Il y a beaucoup de complicité, notamment avec Kyle Langford avec qui je travaille depuis une dizaine d’années maintenant. Nous avions fait la Coupe en 2013 ensemble. Il y a beaucoup de respect entre nous et nous nous amusons beaucoup aussi !
Ben Ainslie a déjà fait forte impression en baie de Sydney. Il s’est adjoint les précieux services de Luke Parkinson, régleur d’aile aux côtés de Nathan Outteridge l’année dernière. | LLOYD IMAGES / SAIL GP
Voiles et Voiliers : Et le circuit Sail GP, d’une manière générale ?
Philippe Presti : C’est un format complètement original. Si on regarde ce qui se fait aujourd’hui, hors supports olympiques, les marins professionnels sont essentiellement équipiers, à l’exception de la course au large évidemment. Sur des régates à la journée, comme en TP 52, GC 32 ou Maxi, les bateaux sont barrés par leurs propriétaires et les marins professionnels sont là pour faire fonctionner les bateaux.
Le circuit Sail GP est la seule compétition de haut niveau sur des bateaux d’une technologie incroyable, puisqu’ils sont issus de la Coupe de l’America 2017, dans une version améliorée, encore plus raffinée. Et ils sont en plus apportés clés en mains aux marins. Ben Ainslie a dû halluciner lorsqu’il est arrivé sur le circuit car les F50 sont vraiment aboutis, ce qui n’était pas le cas de son bateau lors de la Coupe aux Bermudes.
Il y a encore quelques disparités dans les ailes mais selon moi ce n’est pas là que se joue la différence
Voiles et Voiliers : Mais ce n’est pas encore vraiment de la monotypie, notamment au niveau des ailes qui ne sont pas toutes identiques.
Philippe Presti : Effectivement, il y a sur ce round de Sydney deux ailes nouvelle génération à quatre panneaux. Elles sont assez différentes parce qu’elles sont moins mécaniques, plus hydrauliques et elles offrent une meilleure capacité de réglage du profil de l’aile.
Concrètement, les essais ont montré que l’on pouvait régler ces nouvelles ailes sans toucher au traveler, ce qui va donner à mon sens moins de travail aux grinders (wincheurs). Ce qui ne nous arrange d’ailleurs pas car nous avons des grinders très costauds. Et à côté, il y a les anciennes ailes d’Artemis et d’Oracle. Il y a donc encore quelques disparités dans les ailes mais selon moi ce n’est pas là que se joue la différence !
L’équipage australien coaché par Philippe Presti est revenu défendre son titre à Sydney. L’équipe reste inchangée. | SAM GREENFIELD / SAIL GP
Voiles et Voiliers : Ces ailes seront bientôt toutes identiques, non ?
Philippe Presti : Oui, à partir de San Francisco (La seconde épreuve du circuit 2020, qui se disputera les 2 et 3 mai prochains. N.D.L.R.), nous serons tous équipés de ces ailes à quatre panneaux qui auront la capacité d’être réduites à trois panneaux, ce qui permettra de descendre considérablement le centre de gravité des F50 et de naviguer dans des conditions beaucoup plus musclées.
FOILER COUPE DE L’AMERICA BEN AINSLIE NATHAN OUTTERIDGE PHILIPPE PRESTI