La première fois, l’intéressé ne sait pas ce qui lui tombe sur la tête quand une crise d’angoisse ou une attaque de panique survient. Les personnes qui les subissent parlent peu de ce moment de grande vulnérabilité. Explications sur ce phénomène irrationnel et bien réel. Deuxième article de notre série sur les crises d’angoisse.

Les crises d’angoisse aiguës, appelées attaques de panique par les médecins, sont caractérisées par une frayeur intense et soudaine, accompagnée de symptômes physiques.

Les crises d’angoisse aiguës, appelées attaques de panique par les médecins, sont caractérisées par une frayeur intense et soudaine, accompagnée de symptômes physiques. | PAULINE FERRAND / OUEST-FRANCE

Ouest-France Marie TOUMIT. Publié le 26/04/2023 à 16h05

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Qu’est-ce qu’une crise d’angoisse ? Six questions pour comprendre (ouest-france.fr)

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« Sans aucune raison, je me suis mise à trembler, avec l’impression que mon cœur se serrait.

Je transpirais, j’avais le sentiment que ma main gauche irradiait, raconte Julie, 29 ans.

J’avais l’impression que j’allais crever. » « Je me suis mis à me sentir mal, à avoir un problème de respiration.

J’avais la sensation que j’allais m’évanouir », décrit aussi Mathieu, 26 ans.

« Je n’existais plus, mon corps ne m’appartenait plus. Je n’ai pas compris ce qui m’arrivait. On croit qu’on va mourir », témoigne Martine, 68 ans.

Tous les trois décrivent ce qu’ils ont ressenti lors de leur première crise d’angoisse, sans comprendre ce qu’il leur arrivait.

Il n’est pas toujours aisé de parler de ces peurs intenses accompagnées de symptômes physiques tant le phénomène semble incompréhensible, pour le premier concerné et, encore plus, pour son entourage.

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1. Qu’est-ce qu’une crise d’angoisse ?

Dans le langage courant, on a tendance à ne pas distinguer crise d’angoisse et attaque de panique.

Cette seconde expression est utilisée par le milieu médical pour parler de crise d’angoisse aiguë.

L’attaque de panique est l’apparition soudaine d’une peur ou d’une inquiétude intense, avec des symptômes physiques.

Il n’y a rien de pathologique chez la plupart des gens qui ont une crise d’angoisse ou une attaque de panique dans leur vie.

La plupart n’en auront pas d’autres ou pas de façon récurrente.

« On estime qu’environ 30 % de la population en a fait ou en fera.

Il est tellement fréquent et peu grave d’avoir une attaque de panique qu’on ne la considère pas comme une maladie », relève le Dr Jean-Luc Ducher, psychiatre et auteur de Stress, anxiété, dépression, les thérapies pour s’en libérer (2023, Odile-Jacob).

« La maladie, c’est la peur d’en refaire ou la peur d’en faire, si on n’en a jamais fait », ajoute le médecin.

Ce qui entraîne d’autres crises de panique et l’entrée dans un cercle vicieux.

Cela s’appelle alors un trouble panique, appartenant à la famille plus large des troubles anxieux avec l’anxiété généralisée, l’agoraphobie, les phobies spécifiques ou encore le trouble d’anxiété sociale.

2. Quels sont les symptômes d’une attaque de panique ?

Certes, une crise d’angoisse ou une attaque de panique n’est pas grave.

N’empêche que sur le moment, l’anxiété et son cortège de signes physiques sont bel et bien présents, et peuvent être effrayants selon l’intensité.

Des symptômes psychologiques et physiques sont imbriqués.

« Lors d’attaque de panique, les personnes ont très souvent une impression de mort imminente, et donc une panique », décrit Dr Jean-Luc Ducher.

Elles peuvent aussi ressentir un « sentiment d’une dépersonnalisation (« Je ne sais plus qui je suis, mon corps se transforme… »), de se trouver dans un monde irréel (l’environnement se modifie dans ses formes ou ses couleurs, par exemple) », souligne aussi l’Assurance maladie.

Parmi les symptômes physiques, on retrouve l’hyperventilation ou au contraire une respiration faible et superficielle, des vertiges ou des sensations d’être sur le point de s’évanouir, des suées ou des mains moites, une gêne thoracique, des tremblements, des palpitations cardiaques, des picotements ou des fourmillements dans les membres, ou encore des troubles digestifs.

« Ces symptômes inquiètent les gens mais ils sont ordinaires », relève le psychiatre, soulignant leur non-dangerosité.

« Mais, sur le moment, ils sont terribles et énormes pour la personne qui les ressent. »

Elle craint de faire une crise cardiaque ou de perdre le contrôle d’elle-même.

« Elle pense qu’elle va mourir. Comme quelqu’un qui serait dans l’eau en train de se noyer avant d’être secouru. »

Celui qui ressent une attaque éprouve le même genre de panique, sauf que le danger n’est pas réel.

« À ce moment-là, l’environnement n’existe plus pour eux », décrit le psychiatre. Et les pensées angoissantes peuvent se transformer en projections effrayantes du pire.

Si une personne ressent ces symptômes pour la première fois, il n’est pas inutile, ensuite, d’aller voir un médecin afin d’écarter toute pathologie physique (cardiovasculaire, neurologique, etc.) ayant des symptômes proches.

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3. Combien de temps dure une crise d’angoisse ou une attaque de panique ?

Pas très longtemps. De quelques minutes à un peu plus d’une heure. Mais elle arrive de façon soudaine.

« On parle d’attaque parce que le début est brutal, en quelques minutes », souligne le Dr Jean-Luc Ducher.

Face à cette peur, il est difficile, sur le moment, de raisonner la personne qui subit l’attaque et se trouve en grande détresse. L’entourage reste souvent démuni et dans l’incompréhension.

« Ensuite l’attaque de panique s’arrête ou diminue fortement. Mais le moment paraît toujours trop long », ajoute-t-il.

4. Qu’est-ce qui déclenche une attaque de panique ?

Cela dépend des personnes. Pour certains, l’origine de cette anxiété excessive et soudaine n’est pas forcément identifiable sur le moment.

La personne a l’impression que l’attaque lui tombe dessus sans raison.

Pourtant, un élément, peut-être anodin mais qui a évoqué quelque chose d’angoissant pour la personne, a vraisemblablement déclenché cette panique.

Apprendre à le détecter fait partie du travail de thérapie pour apprendre à ne pas refaire de crise ou la contrôler.

« Souvent, on voit des attaques chez des gens qui ont perdu quelqu’un de leur entourage peu de temps auparavant.

Cela nous rappelle qu’on est mortel, ce qui est angoissant », ajoute le Dr Ducher.

Il illustre son propos : « Imaginez que vous ayez mal au ventre. « Tiens, c’est pas normal. »

Cela va vous inquiéter. Si vous vous dites : « Ce n’est pas grave, je n’ai pas mangé. Je dois être en hypoglycémie. »

Vous avez alors une interprétation qui vous rassure. En revanche, si vous vous dites : « Mon voisin avait la même chose.

Et finalement on lui a trouvé un cancer de l’estomac ». Votre raisonnement va faire monter votre inquiétude.

Et si vous vous dites : » En deux mois, il était mort ». Là, vous allez probablement commencer à paniquer. »

Dans certains cas, des situations bien identifiées ou un environnement particulier déclenchent l’attaque de panique : « Être dans un ascenseur qui fait un bruit ou une secousse quand on est claustrophobe, rouler sur l’autoroute en ayant la sensation qu’on ne peut s’en échapper ou se tenir dans un lieu public quand on est agoraphobe », décrit le psychiatre à titre d’exemple.

Les personnes concernées entrent alors dans une stratégie d’évitement : elles font en sorte de ne pas se trouver dans ces situations, ce qui peut énormément compliquer leur vie quotidienne.

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5. L’anxiété est-elle normale ?

Oui. « L’anxiété est un phénomène physiologique naturel », souligne l’Inserm.

Tout être humain peut l’expérimenter. « L’anxiété est quelque chose de normal.

Elle n’est d’abord pas pathologique et elle n’est pas que négative », insiste aussi le Dr Ducher.

« L’anxiété va nous faire anticiper l’avenir, nous permettre d’être précautionneux si besoin, d’éviter des actions qui pourraient nous êtres néfastes », détaille-t-il.

Exemples : « Vous pouvez être anxieux à l’idée de passer au feu rouge et de croiser un gendarme qui va retirer des points à votre permis.

Cette crainte-là va vous sauver la vie et peut-être celles d’autres personnes.

L’anxiété jouera aussi un rôle positif pour l’étudiant qui, face à la peur de rater son examen, se met au travail un peu avant la date fatidique. »

« L’excès d’angoisse est la pathologie, pas l’anxiété en elle-même », précise le médecin, qui est aussi l’auteur de Vaincre son anxiété par soi-même (Odile Jacob, 2018).

6. Quand les attaques de panique deviennent-elles pathologiques ?

Quand les attaques de panique se succèdent et que la personne vit dans la crainte de cette répétition, on parle alors de trouble panique.

« C’est vraiment la peur de faire une crise d’une telle intensité que l’on s’imagine qu’on est en train de mourir ou que l’on se sent en danger de mort », ajoute le Dr Jean-Luc Ducher.

Le trouble panique toucherait environ 1 à 3 % des Français à un moment ou à un autre de leur vie, selon l’Assurance maladie.

« Certains vont faire des attaques de panique liée à la peur de faire une attaque de panique devant les autres.

Ce sont souvent des anxieux sociaux, des gens qui attachent une importance au regard des autres, poursuit le psychiatre.

D’autres, au contraire, préféreront ne pas rester seuls et seront un peu rassurés par la présence des autres parce qu’ils pensent qu’ils pourront appeler les secours si besoin. »

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Description générée automatiquementDr Jean-Luc Ducher, médecin psychiatre, auteur de « Vaincre son anxiété par soi-même ». | DRFP

Le trouble panique fait partie de la catégorie des troubles anxieux, répertoriés par les médecins et l’Organisation mondiale de la santé.

Il se caractérise donc par des attaques de panique. À ne pas confondre avec le trouble anxieux généralisé (TAG). 

« Le trouble anxieux généralisé est le fait de se faire des soucis de manière excessive et régulière », précise le Dr Ducher.

« Les patients ressentent une forme d’inquiétude, pas forcément aussi justifiée qu’elle pourrait l’être : certains dramatisent des situations, d’autres imaginent toujours les scénarios les pires.

Par exemple : votre enfant tousse, c’est qu’il a une maladie grave. » Et cette inquiétude est quasi permanente.

L’anxiété généralisée peut s’accompagner d’une boule dans la gorge ou à l’estomac, de nervosité, de troubles du sommeil, de fatigue…

« Cette inquiétude est alimentée par des événements du quotidien tels que les responsabilités professionnelles, la santé de la famille ou des questions mineures relatives aux tâches ménagères ou domestiques (réparations de la voiture, prises de rendez-vous…) », précise l’Inserm.

En général, on a un trouble panique ou une anxiété généralisée.

« Mais on peut cumuler les deux », relève le Dr Ducher. Tout comme l’agoraphobie – autre trouble anxieux – accompagne aussi parfois le trouble panique.

Quelque 21 % des 18-65 ans présenteront un trouble anxieux (trouble panique, TAG, trouble d’anxiété sociale…) à un moment ou un autre de leur vie, selon des chiffres cités par la Haute autorité de santé (une étude ancienne, mais les données récentes ne sont pas nombreuses).

Les femmes seraient deux fois plus affectées.

« Les troubles anxieux peuvent faire le lit de la dépression », indique le Dr Ducher.

La bonne nouvelle : « On peut apprendre à contrôler les attaques de panique. Notamment sans médicament. »

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