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Plus de crises cardiaques chez les jeunes à cause des vaccins, vraiment? | Vérification faite | Actualités | Le Soleil – Québec

Le ministère israélien de la Santé a conclu qu’il n’y avait «aucune association» entre les appels pour arrêt cardiaquechez les 16-39 ans et la vaccination. 6 mai 2022 20h00 Jean-François ClicheJEAN-FRANÇOIS CLICHE – Le Soleil

L’affirmation: Jean-Jacques Belisle, de Laval, me soumet « une étude intéressante qui devrait remettre en question l’utilisation des vaccins à ARNm pour les plus jeunes non à risques au Québec ».

L’article, paru tout récemment dans Scientific Reports, montre une association entre la vaccination des 16-39 ans contre la COVID en Israël et des problèmes cardiaques très graves, voire mortels.

Alors, voyons si ce qu’il y a dans cette étude est vraiment matière à inquiétude.

LES FAITS 

L’étude en question est disponible ici.

Essentiellement, ses auteurs sont partis du fait que les vaccins à ARNm (Pfizer et Moderna, et notons ici que Pfizer représente l’écrasante majorité des vaccins anti-COVID en Israël) sont connus pour provoquer des myocardites, soit une inflammation du muscle cardiaque.

La COVID elle-même, notons-le, est un facteur de risque encore pire que les vaccins pour la myocardite, comme l’ont montré plusieurs études, mais certains travaux ont suggéré que chez les jeunes hommes de moins de 40 ans, le risque de myocardite était assez semblable après une infection et après certains vaccins.

Les auteurs de Scientific Reports se sont donc demandé si la vaccination avait pu provoquer des problèmes cardiaques encore plus graves, et ils ont analysé le nombre d’appels aux services d’urgence pour arrêt cardiaque ou « syndrome coronarien aigu » (SCA, soit un manque de sang dans les artères qui alimentent le cœur, ce qui mène à l’infarctus) chez les 16-39 ans en Israël de 2019 à 2021.

Ils concluent à une augmentation de 26 % entre janvier et mai 2021 (lors de la vaccination) par rapport à la même période en 2020 (avant la vaccination).

Ils montrent également que le pic des appels d’urgence pour les deux conditions est survenu à peu près en même temps que la vaccination de ce groupe d’âge.

Sur les réseaux sociaux, l’étude a rapidement fait le tour des milieux antivaccin, qui y ont vu la confirmation de toutes leurs craintes.

Mais voilà, il est loin d’être sûr que c’est vraiment le cas, car il y a plusieurs « trous » importants dans cette recherche.

Plusieurs médecins et épidémiologistes qui ont réagi à cette étude se sont même dit étonnés que des données de si mauvaise qualité aient pu se frayer un chemin jusque dans une revue savante.

Il y a, en effet, au moins deux très, très gros problèmes avec ces chiffres.

D’abord, comme l’admettent les auteurs eux-mêmes dans leur étude (avant-dernier paragraphe), l’article « s’appuie sur des données agrégées [NDLR : par opposition aux données qui descendent jusqu’au niveau individuel, ce qui est nettement préférable en recherche] qui ne contiennent pas d’information sur les patients affectés, comme l’issue de leur séjour à l’hôpital, leurs comorbidités, leur statut vaccinal et leur historique de COVID.

De telles informations sont cruciales pour déterminer la nature exacte de l’augmentation observée d’appels pour arrêt cardiaque et syndrome coronarien aigu. […] Le ministère israélien de la Santé […] a accès à de telles données, qui devraient être analysées dans le détail ».

Or voilà, ledit ministère de la Santé a fait cet exercice en réaction à la tempête que l’étude a provoquée sur les réseaux sociaux, et a conclu qu’il n’y avait « aucune association » entre les appels pour arrêt cardiaque chez les 16-39 ans et la vaccination, « principalement parce que la plupart des appels concernaient des personnes qui n’étaient pas du tout vaccinées (59 %) ».

Le ministère souligne également que les appels d’urgence ne sont pas des diagnostics, mais sont basés sur les soupçons des ambulanciers — soupçons qui peuvent ensuite être confirmés ou infirmés par les tests faits à l’hôpital.

Ce qui m’amène au second gros problème, à propos des appels pour syndromes coronariens aigus, celui-là.

Le fait est que, sans tests médicaux, les SCA peuvent être très difficiles à distinguer des myocardites puisque les deux maux provoquent souvent les mêmes symptômes (dans un premier temps, du moins), comme une douleur à la poitrine, des palpitations ou avoir le souffle court.

Or comme les vaccins à ARNm sont justement connus pour accroître le risque de myocardite chez les jeunes hommes, il est fort probable que les appels d’urgence « pour SCA » se soient avérés n’être que des myocardites — qui sont pour la plupart bénignes.

L’étude de Scientific Reports n’aurait alors que réobservé ce qu’on savait déjà, mais en l’interprétant d’une manière différente (et erronée).

Pour le Dr Alain Vadeboncœur, qui est urgentologue à l’Institut de cardiologie de Montréal, « c’est très clair » qu’une myocardite peut être confondue avec un infarctus ou un syndrome coronarien aigu tant qu’on n’a pas fait les tests nécessaires pour les distinguer.

Pendant la campagne de vaccination, ajoute-t-il d’ailleurs, « on a eu beaucoup de jeunes qui se sont présentés avec ce qu’ils pensaient être des symptômes de myocardites, mais la plupart d’entre eux n’en avaient pas.

C’est simplement des douleurs thoraciques sans étiologie claire.

On a eu beaucoup de cas comme ça parce que les gens étaient très éveillés à l’idée que ça pouvait leur arriver. »

En ce qui concerne l’étude israélienne, comme il s’agissait de gens qui avaient appelé une ambulance, il est bien possible que ces cas aient été en moyenne plus sérieux, dit Dr Vadeboncœur, mais la possibilité de confondre myocardite et SCA demeure.

D’ailleurs, a noté le ministère israélien de la Santé, le nombre d’appels d’urgence pour arrêts cardiaques s’est accru de 63 % depuis 2019 « sans augmentation correspondante du fichier des causes de décès basé sur les diagnostics hospitaliers finaux.

Cela indique l’inexactitude de cette définition puisque l’équipe d’ambulance n’a pas les outils pour déterminer la cause ».

VERDICT

Fort probablement pas. L’étude de Scientific Reports existe bel et bien, mais des problèmes de méthodes empêchent clairement de conclure que les jeunes courent un risque plus grand de faire une crise cardiaque après avoir reçu un vaccin anti-COVID.

Elle s’appuie en effet sur des appels d’urgence dont la classification se fait sur les soupçons des ambulanciers — mais ceux-ci n’ont pas ce qu’il faut pour poser des diagnostics médicaux.

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