Publié le 31/08/2021

Certaines interventions relevant de la chirurgie orthopédique exposent à un risque élevé de maladie veineuse thrombo-embolique (MVTE) postopératoire.

C’est le cas notamment de l’arthroplastie totale de genou ou de hanche et il est de bonne guerre de recourir à une anticoagulation prophylactique qui repose sur l’énoxaparine voire sur les anticoagulants oraux directs.

Ne pas négliger l’intervention du facteur XI

Le bénéfice potentiel de cette stratégie est affecté par le risque hémorragique qui, pour être faible, n’en est pas moins significatif.

La recherche d’anticoagulants d’un profil pharmacologique différent reste donc d’actualité et, dans le contexte d’une chirurgie orthopédique, une piste se dessine : celle d’agir sur la voie extrinsèque de la coagulation.

Ainsi, il semble que l’inhibition pharmacologique du facteur XI soit à même de réduire le risque de thrombose sans perturber beaucoup l’hémostase.

En effet, le déficit congénital en facteur XI est associé à un faible risque de MVTE sans que le risque d’hémorragie spontanée soit pour autant accru.

Cette option semble donc intéressante et un anticorps monoclonal capable d’inhiber le facteur XIa, l’osocimab a déjà donné des résultats encourageants quand il est prescrit en préopératoire à titre prophylactique chez des patients qui vont bénéficier d’une arthroplastie totale de genou.

La non-infériorité de ce type de médicaments, comparativement à l’énoxaparine, se retrouve-t-elle quand ils sont utilisés dans le même contexte mais en postopératoire ou font-ils mieux en termes de rapport bénéfice/risque ?

Essai randomisé avec un nouvel anticorps monoclonal

C’est à cette double question que répond une étude comparative randomisée dans laquelle ont été inclus 412 patients qui, dans les suites d’une arthroplastie totale de genou, ont été répartis dans quatre groupes :

  1. abélacimab (30 mg, 75 mg  ou 150 mg) qui est un autre antagoniste du facteur XIa, administré ici en une dose unique par voie intraveineuse ;
  2. énoxaparine à la dose quotidienne de 40 mg/jour par voie sous-cutanée.

Le critère principal de jugement de l’efficacité combinait la détection par phlébographie systématique d’une thrombose veineuse profonde dans le membre inférieur opéré et la survenue d’événements symptomatiques liés à une MVTE confirmés de manière objective.

L’acceptabilité a été évaluée en dénombrant les hémorragies majeures ou cliniquement préoccupantes survenues au cours des 30 derniers jours qui ont suivi l’intervention.

De la non-infériorité à la franche supériorité

L’efficacité de l’abélacimab s’est avérée égale ou supérieure à celle de l’énoxaparine, selon la dose administrée : dans le groupe abélacimab 30 mg, 13 patients sur 102 (13 %) ont été victimes d’une MVTE postopératoire telle que précédemment définie, versus respectivement 5/99 (5 %) et 4/98 (4 %) dans les deux autres groupes.

Dans le groupe énoxaparine, 22 des 101 patients (22 %) ont été concernés.

La non-infériorité de la dose de 30 mg d’abélacimab versus énoxaparine a été ainsi établie, mais pour ce qui est des doses supérieures, respectivement 75 et 150 mg, l’abélacimab est bel bien plus efficace d’un point de vue statistique (p < 0,001).

Des hémorragies sont survenues dans 2 % des cas dans les groupes 30 mg et 75 mg, versus 0 % dans les groupes 150 mg et énoxaparine.
À la lueur des résultats de cet essai randomisé, il semble bien que le facteur XI, contrairement à toute attente, joue un rôle important dans la pathogénie de la MVTE postopératoire telle qu’elle se manifeste dans les suites d’une arthroplastie totale de genou.

Son inhibition pharmacologique au moyen d’un anticorps monoclonal tel l’abélacimab semble, dans ce contexte, réduire considérablement le risque de MVTE, mieux que ne le fait l’énoxaparine, au prix d’un risque hémorragique que l’on peut qualifier de très faible.

D’autres essais contrôlés réalisés dans d’autres situations à haut risque thrombo-embolique devraient confirmer l’intérêt thérapeutique de cet anticoagulant qui se démarque clairement des autres par un profil pharmacologique original : seul le facteur XI est la cible de son mécanisme d’action ce qui fait de lui une arme d’une rare spécificité au sein de la classe thérapeutique des anticoagulants.

Dr Philippe Tellier

RÉFÉRENCE : Verhamme P et coll. : Abelacimab for Prevention of Venous Thromboembolism. N Engl J Med. 2021;385(7):609-617. doi: 10.1056/NEJMoa2105872.

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