– mardi 13 octobre 2020
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Vincent Richeux – AUTEURS ET DÉCLARATIONS – 12 octobre 2020
Virtuel — Les nouvelles recommandations européennes sur la pratique d’une activité sportive chez les patients atteints de pathologies cardiovasculaires ont été présentées lors du congrès virtuel de la Société européenne de cardiologie (ESC) 2020[1,2].
Après trois articles consacrés aux sujets sains, avec ou sans facteurs de risque, à l’insuffisance cardiaque et aux arythmies, cette partie présente les principales directives concernant les valvulopathies, en s’attardant sur les cas particulier de la biscupidie aortique et du prolapsus mitral.
« Il n’y a pas de changements majeurs dans ces recommandations sur les valvulopathies. Avec une présentation sous forme de tableaux distinguant sport de loisirs et sport de compétition, elles sont toutefois beaucoup plus précises et plus claires. En ce sens, elles sont plus simples d’utilisation pour un praticien non familiarisé à la cardiologie du sport », a commenté, auprès de Medscape édition française, le Pr Bernard Iung (hôpital Bichat-Claude Bernard, AP-HP, Paris).
Recours plus large au test d’effort
Le risque lié à la pratique sportive chez ces patients dépend de la sévérité de la valvulopathie, de la présence ou non de symptômes et du retentissement sur le ventricule gauche, a rappelé le cardiologue, qui a participé au comité de relecture des recommandations. L’évaluation s’appuie sur l’échocardiographie, l’électrocardiogramme, ainsi que sur le test d’effort, « auquel il faut recourir plus largement, y compris dans les formes non sévères de valvulopathie », pour s’assurer notamment que le patient est bien asymptomatique.
Selon les auteurs des recommandations, « les individus asymptomatiques avec une anomalie valvulaire légère à modérée ayant une fonction ventriculaire préservée et une bonne capacité fonctionnelle sans ischémie myocardique induite par l’exercice, ni réponse hémodynamique anormale, ni arythmie sont considérés à faible risque et peuvent pratiquer tous les sports ».
A l’inverse, « les individus présentant des symptômes à l’effort, une anomalie valvulaire modérée à sévère, une dysfonction ventriculaire gauche ou droite, une hypertension pulmonaire, des arythmies induites par l’exercice ou une réponse hémodynamique anormale sont considérés comme à haut risque et une intervention invasive doit être envisagée ».
Ceci dit, « la grande majorité des patients présentant une valvulopathie sont en condition pour pratiquer différents types de sport de manière régulière », a commenté, pour sa part, en fin de session virtuelle le Dr Antonio Pelliccia (Institute of Sports Medicine and Science, Rome, Italie), qui a dirigé la rédaction des recommandations.
Sténose aortique
« Dans le cas de la sténose aortique, la présence d’une dysfonction ventriculaire est rare chez les patients asymptomatiques. Le test d’effort devient alors un examen primordial pour évaluer le risque lié au sport et il doit être privilégié en complément de l’échocardiographie pour les formes modérées à sévères », a commenté le Pr Iung.
Dans le document, les experts précisent que les individus présentant une sténose aortique légère ou modérée « peuvent présenter un rendement cardiaque normal au repos et même pendant l’exercice ». Néanmoins, « la sténose aortique sévère est associée à un risque élevé d’insuffisance cardiaque et de mort subite ».
Par conséquent, la pratique de tout sport de loisirs et de compétition est recommandée pour les formes légères (recommandation de niveau IC). En cas d’anomalie modérée, une activité sportive de faible ou de moyenne intensité est à envisager avec une fraction d’éjection FEVG≥ 50%, une bonne capacité fonctionnelle et un test d’effort normal (IIaC).
Un sport de compétition d’intensité faible ou modérée peut être envisagé lorsque le patient présente une sténose aortique légère ou modérée, avec une réponse hémodynamique normale pendant l’effort (IIbC).
Pour les formes sévères, seuls les sports de loisirs de faible intensité peuvent être envisagés avec une FEVG≥ 50% et une réponse hémodynamique normale pendant l’effort (IIbC). Un sport de compétition de faible intensité est possible chez certains patients avec une FEVG≥ 50% (IIbC).
« Le test d’effort est particulièrement important pour mesurer la réponse hémodynamique à l’effort et apporter une aide à la décision pour prescrire un exercice en cas de sténose aortique modérée à sévère asymptomatique », précisent les auteurs. « Les individus présentant une sténose aortique symptomatique ne doivent participer à aucun sport de loisirs ou de compétition. »
Insuffisance aortique
En ce qui concerne l’insuffisance aortique chronique, « l’échographie prime davantage puisqu’il faut pouvoir évaluer le retentissement au niveau du ventricule gauche. Il faut aussi soigneusement évaluer l’aorte ascendante pour rechercher une éventuelle dilatation », a précisé le Pr Iung.
Selon les recommandations, les patients présentant une forme légère peuvent participer à toute activité sportive, autant en loisirs qu’en compétition (IC). En cas d’insuffisance modérée asymptomatique, toute activité de loisirs est à envisager en l’absence de dilatation du ventricule gauche, avec une fraction d’injection FEVG > 50% et un test d’effort normal (IIaC). Les sports de compétition, quant à eux, doivent être envisagés chez les individus avec une FEVG > 50% et un test d’effort normal (IIaC).
En cas d’insuffisance cardiaque sévère, toute activité sportive et physique et la plupart des sports de compétition d’intensité faible à modérée peuvent être envisagés chez les patients présentant d’une dilatation du ventricule gauche légère à modérée, une FEVG >50% et un test d’effort normal (IIbC).
La pratique d’un sport de loisirs d’intensité modérée ou élevée n’est pas recommandée chez les patients avec une FEVG ≤ 50% et/ou une arythmie provoquée par l’effort. De même, les sports de compétition d’intensité modérée et sévère sont déconseillés en présence d’une régurgitation aortique sévère et/ou d’une FEVG ≤ 50% et/ou d’une arythmie provoquée par l’effort (IIIC).
En présence d’une bicuspidie aortique et sans aortopathie, les recommandations sont les mêmes. Les experts précisent qu’il n’est pas prouvé que la dilatation aortique consécutive à la bicuspidie progresse plus rapidement avec la pratique régulière d’une activité physique, mais appellent à la prudence sur ce point.
« Tout patient présentant une dilution de l’aorte ascendante doit bénéficier d’une surveillance, surtout ceux atteints du syndrome de Marfan [une maladie génétique affectant les tissus conjonctif, ndr], qui sont davantage à risque », note le Pr Iung. « La stratification du risque est basée sur le diamètre de l’aorte, qui reste tout de même un critère assez imparfait. »
Insuffisance mitrale
S’agissant de l’insuffisance mitrale, « l’évaluation du retentissement sur le ventricule gauche est également à faire avant le test d’effort, autant pour les formes modérées que pour les formes sévères », estime le cardiologue. « Il reste rare d’avoir un test d’effort anomal avec une insuffisance mitrale sans retentissement sur le ventricule gauche. »
« Un ventricule gauche élargi de manière disproportionné par rapport à l’intensité de l’activité physique exercée peut suggérer une insuffisance mitrale sévère et représenter une indication pour restreindre une activité physique d’intensité modérée ou sévère », précisent les auteurs des recommandations.
La participation à tout sport de loisirs ou de compétition est recommandée pour les formes légères (IC). Elle doit être considérée pour les formes modérée lorsque le patient répond à ces critères (IIaC):
– Diamètre télédiastolique du ventricule gauche (DTDVG)< 60 mm (ou <35,5 mm/m2 chez les hommes et < 40 mm/m2 chez les femmes)
– FEVG≥ 60%
– Pression artérielle pulmonaire (PAP) systolique au repos< 50 mmHg
– Test d’effort normal
En cas d’insuffisance mitrale sévère, les critères précédents sont les mêmes, mais seules les activités physiques d’intensité faible à modérée ou les sports de compétition de faible intensité peuvent être envisagés (IIIbC). La participation à un sport de compétition n’est pas recommandée chez les individus présentant une LVEF< 60% (IIIC).
En présence d’un prolapsus mitral, les sports de loisirs et de compétition sont autorisés chez les patients avec une insuffisance mitrale légère à modérée en l’absence de facteurs de risque (arythmie, accédant familiaux de mort subite, QT long, dysfonction ventriculaire gauche sévère…). « Dans ce cas, il faut rechercher un éventuel trouble du rythme ventriculaire », note le Pr Iung.
Lorsque l’insuffisance est sévère, les sports de faible à moyenne intensité sont possibles chez les patients asymptomatiques sans facteurs de risque présentant les quatre critères listés ci-dessus. L’activité sportive est non recommandée en cas d’insuffisance mitrale sévère symptomatique avec facteurs de risque.
Sténose mitrale
Pour ce qui est de la sténose mitrale, « le test d’effort est recommandé même pour les formes légères », indique le Pr Iung. Tout sport de loisir et de compétition est possible chez les individus asymptomatiques présentant une forme légère (surface mitrale de 1,5 à 2 cm2) avec une PAP systolique au repos < 40 mmHg et un test d’effort normal (IC).
Pour les formes modérées (surface mitrale de 1 à 1,5 cm2), les activités de loisirs peuvent être envisagées si elles sont de faible ou de moyenne intensité chez les individus avec une PAP au repos < 40 mmHg et un test d’effort normal (IIb). Seuls les sports de compétition de faible intensité peuvent être envisagés dans cette population (IIb).
Dans les cas de formes sévères (surface mitrale<1 cm2), les sports de loisirs de faible intensité peuvent être envisagés, mais les activités d’intensité modérée ou élevées sont formellement déconseillées, de même que les sports de compétition, qu’importe l’intensité (III).
« En général, les patients asymptomatiques avec une sténose mitrale présentant une bonne capacité fonctionnelle, un ventricule droit non dilaté, une fonction ventriculaire préservée et une PAP systolique < 40 mmHG et une absence d’arythmie complexe peuvent participer à tout sport de loisirs et de compétition », précisent les experts.
LIENS
- Cardiopathies congénitales de l’adulte : recommandations ESC 2020
- Cardiologie du sport: nouvelles recommandations pour 5 arythmies
- Prévention post-TAVI: bénéfice accru avec l’aspirine seule
- Micro-dispositifs et technique chirurgicale adaptée à l’enfant : du nouveau en cardio-pédiatrie
- Références
Références
- Pelliccia A, Sharma S, Gati S, 2020 ESC Guidelines on sports cardiology and exercise in patients with cardiovascular disease: The Task Force on sports cardiology and exercise in patients with cardiovascular disease of the European Society of Cardiology (ESC), European heart Journal, 29 août 2020.
- 2020 ESC Guidelines on Sports Cardiology and Exercise in Patients with Cardiovascular Disease – Live, Virtual ESC 2020, présentation en ligne du 31 août 2020.
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Citer cet article: Nouvelles recommandations européennes en cardiologie du sport: focus sur les valvulopathies – Medscape – 12 oct 2020.