La réalité des personnes âgées ayant choisi de se donner la mort est trop peu regardée.
Pourtant, une meilleure prévention pourrait aider à repérer le risque suicidaire.
Le suicide chez les personnes âgées : une réalité méconnue mais alarmante, avec un taux de 20 % contre 9 % pour le reste de la population. | ARCHIVES MAX TACTIC
Ouest-France Valérie PARLAN. Publié le 13/09/2021 à 07h29
Ils ne sont pas loin d’un décès naturel lié à leur grand âge et, pourtant, ils ont choisi de se donner la mort.
Qui sont ces femmes et ces hommes, ces « vieux » comme on les catégorise, désireux de mettre fin à leurs jours pour éviter de vivre dans la souffrance psychique ou physique ?
Ils sont nos pères, nos mères, nos proches, nos amis, nous peut-être plus tard, rappelle Véronique Lefebvre des Noëttes, psychiatre du sujet âgé et auteure de Vieillir n’est pas un crime (1).
Mais c’est comme le sujet de la vieillesse en général, le suicide des personnes âgées est une réalité taboue.
Pourtant, les professionnels en gériatrie le répètent : les chiffres sont alarmants.
Chez les sujets âgés, le taux de suicide s’élève à 20 % contre 9 % pour le reste de la population.
Chez les plus de 65 ans, et particulièrement les hommes, un tiers décède par suicide.
Des chiffres sous-estimés
Et encore, les chiffres seraient sous-estimés avec des certificats de décès ne mentionnant pas le suicide pour des questions aussi triviales que la perception d’assurances bancaires, la réputation d’une institution ou d’un Ehpad…
Sans oublier toutes les conduites suicidaires occasionnant la mort, comme des accidents de la route, l’arrêt volontaire de traitement, le syndrome de glissement où les personnes se laissent mourir…
Ceux-là, on ne les comptabilise pas toujours.
Autre donnée saisissante : pendant les premiers mois de la crise sanitaire, le nombre de suicides dans la population générale a baissé.
Seul celui des personnes âgées a stagné.
S’il existe un manque de qualification du geste, le plus inquiétant reste le manque de prévention et de diagnostic du risque.
Fabrice Jollant, professeur de psychiatrie à l’Université de Paris, a lancé avec la Fondation Apicil un travail de recherche sur le sujet.
Si les travaux ne sont pas encore bouclés, des pistes pour soigner la douleur psychique émergent déjà.
Il s’agit de comprendre le processus suicidaire en étudiant les bases cognitives de la vulnérabilité suicidaire, à travers la neuro-psychologie et neuro-imagerie.
Notamment mieux saisir le lien étroit entre dépression et suicide.
Les personnes âgées témoignent de leur souffrance à être un poids pour leurs proches, pour la société, poursuit Fabrice Jollant.
Ils sont seuls, voient leurs copains mourir, doivent parfois quitter leur maison.
Tout cela est très lourd à vivre. Il faut le rappeler, l’être humain est un être social. L’isolement le tue.
- Vieillir n’est pas un crime, Editions du Rocher, 19,90€.
Mieux entendre l’idée suicidaire
La mère de Pierre le répétait souvent : Je ferais mieux de partir.
La petite phrase que l’entourage finit par ne plus entendre ou minimise.
Je me disais, c’est normal de penser à la mort à son âge, 78 ans, raconte-t-il. On n’a pas vu les signaux.
Elle était un peu déprimée, prenait des médicaments mais comme tant de gens…
Un soir, elle s’est couchée après nous avoir appelés, elle était plutôt de bonne humeur.
Le lendemain, les voisins voyant ses volets fermés ont alerté.
Elle s’était suicidée par overdose de médicaments.
Ce sont ces mots, ces attitudes que les professionnels aimeraient aider à mieux détecter.
Souvent, le sujet âgé ne se plaint pas pensant qu’on ne l’écoute plus, renchérit Véronique Lefebvre des Noëttes.
Un mélange de pudeur, de peur de déranger.
Alors la formation des soignants sera une préconisation forte du travail de l’équipe du professeur Jollant : Du généraliste, aux aidants familiaux et sociaux intervenant à domicile, en passant évidemment par les personnels hospitaliers et dans les institutions, nous devons apprendre à écouter l’idée suicidaire.