– Mardi 22 février 2022
Actualités & Opinions > Actualités Medscape
Dr Rob Hicks – AUTEURS ET DÉCLARATIONS – 21 février 2022
Edimbourg, Royaume-Uni –Le paracétamol est souvent considéré comme une alternative plus sûre aux anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) sur le plan de la santé cardiovasculaire.
Pourtant, des chercheurs écossais dont les travaux viennent d’être publiés dans le journal Circulation [1] indiquent qu’au contraire les personnes qui prennent du paracétamol sur le long terme pourraient être plus à risque d’infarctus et d’AVC. Pourquoi ?
Parce que le paracétamol augmenterait la pression artérielle, du moins c’est ce qu’ils ont observé chez des volontaires déjà hypertendus. Les résultats ont été largement discutés par différents experts, ayant participé ou non à l’étude, qui s’accordent sur un point : la nécessité de poursuivre les travaux sur cette question.
Pour ce premier vaste essai clinique visant à évaluer si le paracétamol avait un effet sur la pression artérielle, des chercheurs de l’université d’Edimbourg (Royaume-Uni) ont mené un essai contrôlé en cross-over et en double aveugle avec 110 volontaires hypertendus.
Les participants ont été randomisés : certains recevaient 1g de paracétamol quatre fois par jour, les autres un placebo, pendant deux semaines, suivies par une période de deux semaines de washout, avant de procéder à l’échange pour l’autre traitement. Les chercheurs ont mesuré en ambulatoire la pression artérielle (PA) pendant 24 heures au début et à l’issue de chaque période de traitement. Le critère primaire de jugement portait sur la modification de la PA systolique entre le début et la fin du traitement.
Utilisation de paracétamol à long-terme : penser à surveiller la pression artérielle
Dans leur étude, les chercheurs ont montré que comparé au placebo ceux qui prenaient du paracétamol avaient une PA systolique augmentée de façon significative d’environ 5mmHg. « L’augmentation de la pression artérielle est similaire à celle observée avec les AINS, ce qui augmenterait le risque de maladie cardiaque ou d’AVC d’environ 20% », ont-ils commenté.
Le Pr James Dear (chaire de pharmacologie clinique, Université d’Edimbourg) indique : « cette étude montre clairement que le paracétamol – le médicament le plus utilisé au monde – augmente la pression artérielle, un des facteurs de risque les plus importants d’infarctus et d’AVC ». Il ajoute qu’ensemble, patients et médecins devraient « peser le pour et le contre d’une prescription à long-terme de paracétamol », en particulier pour les patients à risque CV.
« Nous recommandons que les médecins commencent le traitement avec une faible dose de paracétamol et augmente la dose en suivant des paliers, sans dépasser la dose nécessaire au contrôle de la douleur », indique le Pr David Webb (Université d’Edimbourg), principal investigateur de l’étude. Etant donné les risques d’augmentation conséquente de la pression artérielle, les médecins devraient « surveiller la pression artérielle chez les patients avec une PA élevée qui débutent un traitement avec du paracétamol pour des douleurs chroniques », poursuit-il.
Surveiller la pression artérielle chez les patients avec une PA élevée qui débutent un traitement avec du paracétamol pour des douleurs chroniques. Pr David Webb
Une étude et une avalanche de questions
Commentant cette étude pour le Science Media Centre [ ndt : un centre qui fournit des contenus scientifiques prêts à l’emploi pour les journalistes mais aussi des commentaires de chercheurs académiques renommés dans leur domaine ], le Pr Kevin McConway (professeur émérite de statistiques appliqués, The Open University, Milton Keynes, Royaume-Uni) rappelle toutefois que « tous les patients présentaient déjà de l’hypertension », ce qui signifie, pour lui, que « cet essai ne permet pas de conclure sur le fait que le paracétamol à cette dose augmente la pression artérielle chez des personnes qui ne sont pas déjà hypertendues ».
Cet essai ne permet pas de conclure sur le fait que le paracétamol à cette dose augmente la pression artérielle chez des personnes qui ne sont pas déjà hypertendues. Pr Kevin McConway
« Ces travaux de recherche montrent combien la prise régulière de paracétamol peut rapidement augmenter la pression artérielle chez les personnes avec HTA qui ont déjà un risque augmenté de crise cardiaque et d’AVC », indique le Pr Nilesh Samani de la British Heart Foundation qui a financé l’étude. « Cela souligne l’importance pour les médecins et les patients de réévaluer régulièrement s’il y a toujours un besoin médical à poursuivre le traitement sur le long terme ». Quant au Dr Dipender Gil (Université de Londres, Royaume-Uni), il insiste sur le fait qu’il reste encore de nombreuses inconnues. Il explique qu’il n’est pas clair que l’augmentation de la PA « se maintiendrait sur le long de terme». De même qu’il n’est pas clair non plus que « l’augmentation de la PA attribuable à la prise de paracétamol mène en effet à une augmentation du risque de développer une maladie cardiovasculaire ».
Le Pr Kevin McConway, par ailleurs, rappelle que tous les participants venaient d’Ecosse et étaient caucasiens. Il en conclut donc « qu’il n’y a pas de preuve directe que les résultats de cette étude s’appliqueraient à d’autres zones géographiques ou d’autres groupes ethniques ».
L’équipe qui a mené les recherches considère, elle, que ses résultats devraient encourager la réalisation d’une revue sur la prescription à long terme de paracétamol, en particulier chez les patients hypertendus et ceux avec un risque de maladie cardiaque ou d’AVC.
Invité à commenter l’étude pour le Science Media Centre, le Dr Richard Francis qui dirige le département de la recherche de la Stroke Association, suggère que « les prochaines études incluent des participants avec une PA normale et qu’elles se déroulent sur des temps plus longs afin de confirmer de façon plus large les risques et les bénéfices de la prise de paracétamol ».
Nos travaux ont permis de mettre en évidence un nouveau risque pour ceux qui en prennent régulièrement sur une période longue. Dr Iain MacIntyre
Également investigateur de l’étude, le Dr Iain MacIntyre se veut rassurant. Il précise « il ne s’agit pas d’une prise à court terme pour un mal de tête ou de la fièvre, ce qui ne pose pas de problème. En revanche, nos travaux ont permis de mettre en évidence un nouveau risque pour ceux qui en prennent régulièrement sur une période longue ».
L’article a été publié initialement sur Medscape.co.uk sous l’intitulé “Study: Long-Term Paracetamol Use Raises Blood Pressure”. Traduit/adapté par Marine Cygler.
LIENS
- L’hypertension aggravée par des médicaments communément prescrits
- Près d’un américain sur 5 prend des médicaments qui augmentent la pression artérielle
- Sur le long terme, AINS et paracétamol entraîneraient une perte d’audition
- Références
Références
- MacIntyre TM, Turtle EJ, Farrah TE, et al; PATH-BP (Paracetamol in Hypertension–Blood Pressure) Investigators. Regular Acetaminophen Use and Blood Pressure in People With Hypertension: The PATH-BP. Circulation. 2022;145:416-423 [epub 7 Feb 2022] https://doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.121.056015
Crédit image de Une : Dreamstime
Actualités Medscape © 2022 WebMD, LLC
Citer cet article: Le paracétamol augmente-t-il la pression artérielle ? – Medscape – 21 févr 2022.
=================================================================================
Accueil Formation Spécialités médicales Cardio-vasculaire
Le paracétamol au long cours serait hypertenseur
PAR DIDIER DOUKHAN – PUBLIÉ LE 22/02/2022
Crédit photo : BURGER/PHANIE
Des chercheurs écossais ont publié les résultats d’une étude montrant les effets sur la pression artérielle d’un traitement au long cours par du paracétamol. Leurs travaux aboutissent à une conclusion étonnante qui donne à réfléchir.
Des chercheurs de l’université d’Édimbourg (Royaume-Uni) ont mené un essai contrôlé en cross-over et en double aveugle avec 110 volontaires hypertendus visant à évaluer si le paracétamol avait un effet sur la pression artérielle. Leurs travaux viennent d’être publiés dans le journal « Circulation ».
En pratique, les participants ont été randomisés : un groupe recevait 1 g de paracétamol quatre fois par jour, l’autre un placebo, pendant deux semaines, suivies par une période de deux semaines de wash-out, avant de procéder à l’échange pour l’autre traitement.
Les chercheurs ont mesuré en ambulatoire la pression artérielle (PA) pendant 24 heures au début et à l’issue de chaque période de traitement.
Le critère primaire de jugement portait sur la modification de la PA systolique entre le début et la fin du traitement.
Résultat ?
Comparés à ceux prenant le placebo les participants qui prenaient du paracétamol avaient une PA systolique augmentée de façon significative d’environ 5mmHg.
« L’augmentation de la pression artérielle est similaire à celle observée avec les AINS, ce qui augmenterait le risque de maladie cardiaque ou d’AVC d’environ 20 % », ont commenté les auteurs de l’étude.
Ce résultat a été largement commenté par des experts et les auteurs de l’essai.
Si tous s’accordent sur la nécessité de poursuivre les travaux sur cette question, ils émettent également plusieurs recommandations : que les médecins, lorsqu’ils engagent un traitement à long terme au paracétamol, commencent le traitement avec une faible dose et augmente la dose en suivant des paliers, sans dépasser la dose nécessaire au contrôle de la douleur ; mais aussi qu’ensemble, patients et médecins pèsent le pour et le contre d’une prescription à long terme de paracétamol, en particulier pour les patients à risque cardiovasculaire, et de surveiller la pression artérielle chez les patients avec une PA élevée qui débutent un traitement avec du paracétamol pour des douleurs chroniques.
Enfin, soulignent les experts, cet essai ne permet pas de conclure sur le fait que le paracétamol à cette dose augmente la pression artérielle chez des personnes qui ne sont pas déjà hypertendues.
Source : lequotidiendupharmacien.fr