Publié le 22/07/2020

On connaît les facteurs de risques environnementaux et génétiques du diabète de type 2 ainsi que les mécanismes généraux à l’origine de sa progression (insulinorésistance et surtout altération progressive de l’insulinosécrétion). À l’occasion d’études antérieures, il avait déjà été repéré une corrélation entre des taux bas de vitamine D et la constatation d’anomalies au niveau de la sécrétion d’insuline ainsi qu’une insulino-résistance.

Quelques études, assez brèves, avaient montré une amélioration des fonctions de la cellule bêta sous supplémentation en vitamine D. D’autres avaient mis en évidence un effet favorable de la supplémentation sur la glycémie à jeun et l’hémoglobine glyquée. A contrario d’autres travaux n’ont pas retrouvé cet effet. En raison des enjeux majeurs de santé publique, l’hypothèse a été soulevée de la possibilité de prévenir, par la vitamine D, la survenue du diabète de type 2 dans les groupes à risque (obésité axiale, syndromes d’insulinorésistance, pré-diabète).

C’était le but de cette méta-analyse que de le vérifier.

Les études sélectionnées comprennent au minimum une année de traitement par la vitamine D. Elles comportent une identification précise de la survenue de diabète avec détermination des patients qui avaient soit une tolérance au glucose normale soit un pré-diabète lors du recrutement. Les préparations et doses de vitamine D sont obligatoirement indiquées.

L’objectif principal était l’observation de l’incidence de diabète de type 2 chez les patients traités par vitamine D comparés à un groupe placebo. Une comparaison a en outre été établie entre les études recourant à une dose d’au moins 1 000 unités internationale de vitamine D par jour versus des études utilisant des doses plus faibles.

Méta-analyse de neuf études soit plus de 40 000 patients

Sur un total de 6 089 articles relevés au premier screening, 6 080 ont été exclus…Seules 9 études ont donc été retenues. Pour l’une d’entre elles on ne disposait que d’un abstract, 7 études incluaient uniquement des patients avec un pré-diabète (ce qui semble concerner quasiment 30 % de la population nord-américaine). Parmi ces sept études, cinq ont eu recours à la vitamine D en dose bolus de supplémentation.

Dans un des essais, la supplémentation comprenait aussi du calcium. Un essai ne portait que sur des sujets exclusivement afro-américains, un autre que sur des sujets de plus de 60 ans. Dans deux études, les doses de vitamine D étaient inférieures à 1 000 unités par jour.

Au total il s’agit de 43 559 patients dont 21 792 ont reçu de la vitamine D et 21 767 ont reçu un placebo. La durée des études va de 1 à 7 ans. Plusieurs de ces travaux se sont aussi logiquement préoccupés du contenu minéral osseux ainsi que du risque de fracture. Les molécules utilisées sont : cholécalciférol, ergocalciférol, un analogue de la vitamine D (eldecalcitol). Les risques de biais ont été analysés spécifiquement pour chaque étude.

En première analyse, la supplémentation en vitamine D quelles que soient les populations et les doses n’a pas, comparé au placebo, diminué l’incidence du diabète de type 2 (Risque relatif : 0,96 ; intervalle de confiance à 95 % : 0,90 à 1,03 ; P = 0,3.)

Réduction de l’incidence du diabète avec de fortes doses de vitamine D

En revanche, l’analyse secondaire prenant en compte la posologie de vitamine D montre des résultats différents en faveur des fortes doses ou des doses modérées avec une réduction significative de l’incidence du diabète : risque relatif 0,88 avec un intervalle de confiance à 95 % : 0,79 à 0,99 ; P = 0,03. Ces études avec fortes doses avaient inclus des cas de pré-diabète.

A contrario, l’analyse des deux études testant des doses inférieures à 1 000 unités par jour ne montrait aucune réduction du risque et comprenait des patients à faible risque de diabète ce qui nous donne 2 variables d’interprétation. L’exclusion des études utilisant des analogues de la vitamine D ou une supplémentation calcique ne change rien au résultat.

Les groupes de patients qui avaient un IMC < 30 avaient un meilleur résultat, alors que lorsque l’IMC moyen était supérieur à 30, la différence devenait moins significative. Les analyses de sous-groupes selon l’âge moyen, le sexe, la composition du médicament, la prise en bolus ou quotidienne, le dosage de vitamine D (25OH D3) supérieur ou égal à 30 ng/ml au début de l’étude ne change rien au résultat.

Il apparaît ainsi que d’après ces essais sur plus de 40 000 patients, l’apport de « fortes » doses de vitamine D a fortiori chez les patients ayant un pré-diabète réduit le risque d’incidence du diabète au contraire de faibles doses chez les patients ayant un IMC > 30.

Il semble bien que le bénéfice est surtout observé dans le groupe de patients ayant un pré-diabète selon les définitions de l’ADA (American Diabetes Association) (glycémie à jeun comprise entre 1 g/litre et 1,25 g/litre, glycémie 2 heures après 75 g de glucose comprise entre 1,4 g/litre et 1,99 g/litre et/ou hémoglobine glyquée comprise entre 5,7 % et 6,4 %).

Rôle de l’IMC et peut-être de l’ethnie

La relation entre IMC plus important et relative inefficacité de la vitamine D aurait pu être une insulinorésistance corrélée à l’IMC mais les auteurs rappellent que la vitamine D est liposoluble et que sa biodisponibilité est peut-être différente chez le patient ayant une forte masse grasse.

Concernant l’ethnie, il avait été évoqué une corrélation entre un faible niveau de vitamine D et le risque cardiovasculaire, l’hypertension et le diabète chez le sujet d’origine africaine en relation avec la pigmentation cutanée. Les résultats de cette méta-analyse ne vont pas dans ce sens.

Toutefois il n’y avait qu’une seule étude comprenant exclusivement des Afro-américains.

En conclusion de cette méta-analyse l’apport de vitamine D à des doses (ou équivalent doses) au minimum de 1 000 unités par jour chez les sujets ayant un pré-diabète semble réduire le risque de survenue d’un diabète.

La conséquence d’une supplémentation systématique par de fortes doses (toutefois raisonnables) de vitamine D chez tous les patients à risque de diabète se discute et doit faire l’objet d’un consensus d’experts prenant en compte les avantages et les inconvénients (peu nombreux, il est vrai et considérant les bénéfices de la supplémentation sur d’autres secteurs), les contre-indications classiques, peut-être après d’autres travaux complémentaires.

L’idéal serait la mise en place d’une étude interventionnelle prospective pour répondre à cette question « diabèto centrée » qui n’est pas nouvelle ni futile considérant les enjeux.

Dr Edgar Kaloustian

RÉFÉRENCE : Barbarawi M et coll. : Effect of Vitamin D Supplementation on the Incidence of Diabetes Mellitus. J Clin Endocrinol& Metab., 2020; 105. DOI: https://doi.org/10.1210/clinem/dgaa335

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Vitamine D et risque de diabète de type 2 : une association significative ?