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Marine Cygler 14 décembre 2020

Virtuel – Pandémie oblige, les 40ièmes journées de l’hypertension artérielle (JHTA) ont changé de format. Une seule journée a permis de regrouper les différentes sessions virtuelles dont l’une a été consacrée aux recommandations de la SFHTA qui avaient pour thème cette année l’HTA chez l’enfant et l’adolescent.

Ces nouvelles recommandations sont le fruit d’un groupe de travail coordonné par le Dr Béatrice Duly-Bouhanick (endocrinologue, CHU Rangueil, Toulouse). Elles ont été validées par différentes sociétés savantes.

L’HTA chez l’enfant est beaucoup moins fréquente que chez l’adulte avec une prévalence qui est néanmoins significativement augmentée ces dernières années chez les enfants en âge scolaire, a expliqué le Pr Justine Bacchetta (service de néphrologie-rhumatologie-dermatologie pédiatriques, Hospices civiles de Lyon) en introduction.

Elle a souligné que l’HTA chez l’enfant peut « révéler une pathologie réno-vasculaire, cardiaque et parfois endocrinienne » et « avoir des conséquences sévères ». C’est pourquoi « chez l’enfant le diagnostic d’HTA essentielle sera un diagnostic d’élimination et la recherche d’une cause secondaire devra être systématique ».

Définition de l’HTA chez l’enfant et l’adolescent (Recommandation 1)

Pour définir l’HTA, il est recommandé d’utiliser des abaques de pression artérielle (PA) élaborées en fonction de l’âge, de la taille et du sexe (grade C, classe 1).

« La définition de l’HTA reste une donnée statistique fondée sur la distribution normale de la PA, la fameuse courbe de Gauss. On parle finalement d’HTA quand la PA est supérieure ou égale au 95eme percentile pour la taille et le sexe » a-t-elle commenté.

Tableau : repères tensionnels simplifiés en fonction de l’âge

Quand mesurer la PA chez l’enfant ? (Recommandation 2)

  • Avant trois ans, il faut systématiquement mesurer la PA dans les cas suivants (grade C, classe 1) :

– antécédents de petit poids de naissance (<2500g) ;

– maladie rénale ou malformation urologique ;

– cardiopathie congénitale ;

– transplantation d’organes ;

– hypertension intracrânienne ;

– exposition à un médicament ou un toxique connu pour donner une HTA ;

– maladie systémique pouvant se compliquer d’une HTA.

  • Après trois ans, il faut mesurer systématiquement la PA une fois par an, au même titre que le poids, la taille et l’IMC (grade C, classe 1). L’HTA est le plus souvent asymptomatique chez l’enfant.

Comment mesurer la PA chez l’enfant ? (Recommandation 3)

Il faut mesurer la PA par technique manuelle auscultatoire avec un shygmomanomètre anéroïde à ressort classique (grade C, classe1). De fait, en cas de PA anormale, c’est-à-dire élevée avec un tensiomètre automatique, il faudra recontrôler avec la technique classique auscultatoire (grade C, classe1).

Dans quelles conditions réaliser cette mesure ? Un environnement calme, enfant assis depuis cinq minutes, les pieds posés au sol, le dos et les bras soutenus, la fosse cubitale au niveau du cœur, avec un brassard approprié et un tensiomètre validé chez les enfants (grade C, classe 1).

Il faut prendre la mesure plutôt au niveau du bras droit car ce site est épargné en cas de coarctation aortique (grade C, classe 1).

En cas de PA élevée lors de la première consultation, il faudra renouveler les mesures lors de deux autres visites à un mois d’intervalle (grade C, classe 1) ou plus rapprochées en cas de risque élevé (grade B, classe 1).

La MAPA des 24 heures est recommandée (grade B, classe 1) pour le diagnostic de l’HTA seulement si l’enfant mesure plus d’1m20.

La place de l’automesure est beaucoup plus limitée, uniquement pour le suivi d’une HTA connue, faute de valeur de référence pour le diagnostic d’HTA (grade C, classe 1).

Examen clinique en cas d’HTA chez l’enfant (Recommandation 4)

En cas d’HTA chez l’enfant, il est essentiel de réaliser un examen clinique complet avec un interrogatoire minutieux (grade C, classe 1).

Cet examen clinique commencera par les mensurations de taille, poids et IMC en reportant les valeurs sur une courbe de croissance.

L’examen clinique recherchera des éléments dysmorphiques : cela peut être une dysmorphie faciale (Turner, faciès d’elfe du Williams Buren, faciès lunaire du syndrome de Cushing), une morphologie arachnoïde (Marfan) ou encore un goître et une exophtalmie pouvant être évocateurs d’une hyperthyroïdie.

L’examen cutané et articulaire recherchera des tâches café au lait (neurofibromatose), des adénomes sébacés (maladie de Von Hippel Lindau), des angiomes (sclérose tubéreuse de Bourneville), des pseudoxanthomes, des vergetures (hypercorticisme) et une hyperlaxité articulaire (Marfan).

Une attention toute particulière sera portée à l’examen CV, notamment en prenant la PA aux quatre membres. Une différence de pression entre membre inférieur et membre supérieur pourra être évocateur d’une coarctation de l’aorte. L’examen CV recherchera également un éréthisme cardiaque pouvant être en faveur d’un phéochromocytome ou d’une hyperthyroïdie. Il recherchera aussi un ou plusieurs pouls superficiels manquants ou soufflants, un souffle cardiaque (sténose aortique), un souffle abdominal (sténose de l’artère rénale), mais aussi un souffle carotidien ou fémoral. Les signes d’insuffisance cardiaque seront recherchés.

L’examen se poursuivra avec un examen abdominal à la recherche d’une masse (tumeur, maladie kystique rénale).

Enfin, un examen neurologique avec fond d’œil recherchera une rétinopathie hypertensive.

Quels examens complémentaires ? (Recommandation 5)

Il est recommandé (Grade A, classe1) d’effectuer chez tous les enfants et adolescents quelles que soient les données de l’examen clinique :

  • un ionogramme sanguin (kaliémie)
  • une créatininémie
  • une évaluation de la filtration glomérulaire (selon la formule de Schwartz)
  • une analyse de sédiment urinaire sur les premières urines du matin (hématurie)
  • un rapport protéinurie/ créatininurie (normale : >50mg/mmol avant 2 ans et <20 mg/mmol après 2 ans)

Chez les enfants ou adolescents en surpoids ou obèses et chez ceux avec antécédents familiaux de dyslipidémie, une glycémie à jeun, un bilan lipidique complet ainsi que les transaminases sont recommandés (Grade A, classe 1).

Une fois que ces premiers examens ont été réalisés, il est recommandé de demander l’avis du spécialiste cardiopédiatre et/ou néphropédiatre et/ou endocrinopédiatre (Grade C, classe 1).

Il est recommandé de demander l’expertise d’un cardiopédiatre expérimenté pour interpréter un ECG chez un enfant de moins de 12 ans (Grade B, classe 1).

Le cardiopédiatre pourra réaliser une échocardiographie cardiaque à la recherche d’un retentissement de l’HTA, à savoir une HVG. Il dépistera aussi une coarctation de l’aorte qui est une cause chez l’enfant et l’adolescent (Grade A, classe 1).

Enfin, il est recommandé de réaliser systématiquement une échographie rénale couplée à un doppler artériel rénal à la recherche d’arguments pour une cause rénale ou rénovasculaire de l’HTA (asymétrie, hypoplasie/agénésie rénale, sténose artérielle, polykystose rénale, néphroblastome) (Grade A, classe 1).

Causes secondaires de l’HTA (Recommandation 6)

Même si l’HTA à l’adolescence est plus fréquemment essentielle ou primaire, quel que soit l’âge de l’enfant, il est recommandé de rechercher minutieusement une cause secondaire (Grade B, classe 1), d’autant plus si l’enfant est d’âge prépubère et notamment avant l’âge de 6 ans.

Il faut s’attacher à rechercher une HTA secondaire surtout pour une origine rénale ou cardiaque qui représente 2/3 des causes d’HTA secondaire (Grade B, classe 2).

Les causes secondaires de l’HTA sont un excès de rénine, un excès primaire de catécholamines, un excès primaire de minéralocorticoïdes (aldostérone), un excès de la réabsorption tubulaire du sodium, un excès primaire de glucocorticoïdes…

Quel est le parcours de soin recommandé ? (Recommandation 7)

Le primo diagnostic d’HTA est en général réalisé par le médecin traitant ou le pédiatre, par la suite il est suggéré d’adresser plus spécifiquement au néphropédiatre ou au néphrologue les enfants ou adolescents avec (Grade C, classe 2) :

  • des antécédents familiaux de pathologie rénale
  • des antécédents d’uropathie, de tubulopathie
  • une insuffisance rénale, des troubles du sédiment urinaire, une protéinurie
  • un souffle dans l’aire rénale
  • une asymétrie de la taille des reins ou un rein unique
  • une masse rénale
  • une HTA monogénique rénale familiale

Il est suggéré d’adresser plus spécifiquement au cardiopédiatre ou au cardiologue les enfants ou adolescents avec (Grade B, classe 2) :

  • des signes cliniques d’appel à type de tachycardie, malaise ou souffle cardiaque à l’auscultation
  • une abolition ou un amoindrissement des pouls perçus aux membres inférieurs faisant suspecter une coarctation aortique
  • une cardiopathie familiale
  • un syndrome de Williams et Beuren, de Turner ou d’Alagille qui prédisposent au risque de coarctation aortique.

Il est suggéré d’adresser plus spécifiquement à l’endocrinopédiatre ou à l’endocrinologue les enfants ou adolescents avec (Grade B, classe 2) :

  • des signes cliniques d’hypercorticisme
  • une petite taille ou une grande taille
  • un goître
  • des signes d’hyperadrénergie
  • une obésité sévère
  • une HTA monogénique endocrine familiale

Quels sont les principes de la stratégie thérapeutique ? (Recommandation 8)

L’important est de savoir diagnostiquer l’HTA puis d’orienter l’enfant vers un spécialiste en HTA pédiatrique. Il est cependant possible de proposer l’application de règles hygiéno-diététiques (Grade C, classe 1).

Le traitement doit être initié par un pédiatre ou un médecin expert en HTA de l’enfant ou de l’adolescent (Grade C, classe 1).

Le traitement pharmacologique sera initié en cas (Grade A, classe 1) :

  • d’HTA symptomatique ou de stade 2
  • d’HTA secondaire
  • d’atteinte des organes cibles
  • d’insuffisance rénale
  • de diabète de type 1 (plus fréquemment) ou de type 2 associé
  • et en cas de persistance d’une HTA malgré les règles hygiéno-diététiques

En termes de prise en charge pharmacologique, il est recommandé d’utiliser en première intention les inhibiteurs calciques à longue durée d’action ou les bloqueurs du système rénine angiotensine (SRA) (Grade B, classe 1).

Il est recommandé d’obtenir une PA inférieure au 75ème percentile pour l’âge, et même inférieure au 50ème percentile en cas d’insuffisance rénale et/ ou de protéinurie associée (Grade B, classe 1).

Le Pr Justine Bacchetta donné quelques explications concernant la prise en charge thérapeutique. Elle a rappelé que les contre-indications aux différentes classes thérapeutiques étaient globalement les mêmes que chez l’adulte. Cela dit, elle a souligné la vigilance nécessaire pour les situations à risque de déshydratation (ex : gastroentérite aiguë) chez les plus jeunes patients recevant des IEC ou des sartans. Un bilan biologique est nécessaire au moindre doute d’insuffisance rénale aiguë.

Elle rappelle qu’il est préférable d’éviter les diurétiques chez l’enfant.

Pour améliorer la qualité de vie de l’enfant et assurer l’observance, il faut privilégier une monothérapie avec un minimum de prises quotidiennes aux horaires adaptés à la vie familiale.

HTA et contraception chez l’adolescente (Recommandation 10)

La recommandation 10 s’intéresse à l’apparition d’une HTA chez une adolescente utilisant une contraception oestroprogestative (COP), aussi appelée contraception combinée.

Il est recommandé de mesurer la PA à l’initiation d’une COP puis périodiquement, à trois mois, à six mois plus tous les ans lors des consultations gynécologiques de suivi (Grade B, classe 1).

Si l’adolescente présente des céphalées d’allure ou non migraineuses lors de l’instauration de cette contraception, il faudra recommander la mesure de la PA pour écarter une HTA (Grade B, classe 1).

Si l’HTA est confirmée ou si l’adolescente présente une HTA de grade 3 en consultation, il faut arrêter cette COP et la substituer par une contraception microprogestative (Grade A, classe 1) et rechercher systématiquement une HTA secondaire si cette enquête n’avait pas été effectuée au préalable.

Chez l’adolescente, il est proposé d’éviter en première intention les COP percutanée ou vaginale (Grade C, classe 2).

Enfin, lors de la prescription d’une contraception orale, qu’elle soit progestative ou non, il est recommandé de prescrire le port du préservatif pour éviter les MST (Grade C, classe 2).

HTA et contraception de l’adolescente hypertendue (Recommandation 11)

La recommandation 11 s’intéresse à la prescription d’une contraception chez une adolescente déjà hypertendue.

Ces adolescentes ne pourront pas avoir de contraception combinée avec œstrogènes de synthèse.

Il est recommandé de ne pas les prescrire quelle que soit la voie d’administration (orale, vaginale, transdermique) chez les adolescentes :

  • ayant une HTA légère non compliquée ou une HTA sévère de grade 2 ou 3
  • et/ou compliquée d’une atteinte d’un organe cible
  • et/ou s’il existe une MCV associée (Grade B, classe 1)

Il est recommandé de proposer à l’adolescente hypertendue une contraception efficace :

  • microprogestative, quel que soit le mode d’administration
  • ou un dispositif intra-utérin au cuivre en l’absence de contre-indication gynécologique (Grade C, classe 1).

Conclusion – messages à retenir

  • L’HTA de l’enfant est beaucoup moins fréquente que celle de l’adulte.
  • Tout enfant de plus de trois ans devrait avoir une mesure de PA annuelle.
  • L’HTA chez l’enfant est définie par la mesure d’une PA supérieure au 95ème percentile, pour le sexe, l’âge et la taille de l’enfant. Des abaques sont disponibles en ligne gratuitement pour calculer le percentile.
  • Chez les adolescents le lien est de plus en plus net avec les erreurs alimentaires et le surpoids, voire l’obésité. Quoi qu’il en soit plus l’enfant est diagnostiqué jeune avec une HTA, plus le bilan étiologique doit être exhaustif et doit s’acharner à trouver une cause d’HTA secondaire.
  • La prise en charge doit être, au minimum, discutée avec un médecin expert en HTA de l’enfant.

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Citer cet article: HTA : nouvelles recommandations chez l’enfant et l’adolescent – Medscape – 14 déc 2020.