Actualités – publiée le 12/01/2020 par Équipe de rédaction Santélog

World Psychiatry

Le hikikomori, c’est une durée d'isolement social continu d'au moins 6 mois

A la fin des années 90, se développait au Japon, une forme de retrait social sévère et prolongé, observé en particulier et de manière surprenante chez les adolescents en transition vers l’âge adulte. Cette forme d’isolement, nommée «hikikomori», est passée ces dernières années d’un problème spécifique au Japon à un phénomène d’ampleur mondiale, avec des implications sur la santé.

Des données plus nombreuses sont publiées dans la littérature, dans des études épidémiologiques et des séries de cas cliniques. Cette équipe de l’Oregon Health & Science University (OSHU) tente aujourd’hui de mieux préciser le tableau clinique de la « maladie » et de sensibiliser les médecins à sa détection.

Ces experts du hikikomori affirment que l’état d’isolement social extrême est en effet bien plus répandu qu’on ne le pensait, et que ce trouble mérite une définition claire permettant son diagnostic et sa prise en charge à travers le monde.

Si, il y a 10 ans environ, de premiers critères diagnostiques et un entretien semi-structuré le facilitant, étaient développés, depuis de très nombreux cas ont été documentés qui vont permettre de préciser le tableau clinique et diagnostique du hikikomori.

Le hikikomori, c’est une durée d’isolement social continu d’au moins 6 mois

Le hikikomori est une forme de repli social pathologique ou d’isolement social dont la caractéristique essentielle est l’isolement physique chez soi.

Ce trouble répond aux critères suivants :

  1. un isolement social marqué au domicile ;
  2. une durée d’isolement social continu d’au moins 6 mois ;
  3. une déficience ou une détresse fonctionnelle importante associée à cet isolement social prolongé.

Plusieurs niveaux de sévérité du trouble peuvent être considérés :

  • forme légère : les personnes qui quittent très occasionnellement leur domicile (2 à 3 fois/ semaine), quittent rarement leur domicile (1 jour / semaine ou moins) ou quittent rarement une seule pièce de leur domicile peuvent être caractérisées comme souffrant d’une forme légère ou modérée ;
  • absence de hikikomori : les personnes qui quittent fréquemment leur domicile (4 jours ou plus / semaine), ne répondent pas aux critères du hikikomori ;
  • la durée continue estimée du retrait social est un critère clé du diagnostic : une durée d’isolement social d’au moins 3 (mais pas 6) mois peut faire considérer un diagnostic de « pré ‐ hikikomori » ;
  • l’âge de survenue se situe généralement à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Cependant, le début du trouble peut intervenir au début de la trentaine, mais aussi chez des « femmes au foyer » et des personnes âgées. Ainsi, si au départ, le diagnostic de hikikomori était posé chez l’adolescent et le jeune adulte, ces experts considèrent le concept peut également s’appliquer à l’isolement social extrême chez les plus âgés.

Cette nouvelle « définition » du hikikomori comporte 4 nouveaux aspects clés à souligner :

  1. le confinement à la maison reste la caractéristique centrale et déterminante de hikikomori. Cependant, cette nouvelle définition ajoute la prise en compte de niveaux de sévérité, vus plus haut ;
  2. l’évitement les situations et les relations sociales est supprimée dans cette nouvelle définition. Si les patients diagnostiqués ont peu voire pas de relations ou d’interaction sociale, ce comportement n’est plus obligatoirement volontaire, il peut être subi ; c’est en effet généralement le cas chez les plus âgés.
  3. la détresse ou la déficience fonctionnelle doivent être soigneusement évaluées. Si l’altération du fonctionnement de l’individu est un critère de diagnostic majeur du hikikomori, la détresse subjective du patient peut ne pas être présente. Ainsi, les auteurs expliquent que lors de nombreux patients diagnostiqués se déclarent, lors d’entretiens cliniques, réellement satisfaits de leur retrait social, en particulier dans la première phase de la maladie.

Ces patients décrivent fréquemment un sentiment de soulagement de pouvoir ainsi échapper aux réalités douloureuses de la vie. Cependant, à mesure que la durée du retrait social s’allonge, la plupart des patients atteints développent une détresse ;

  1. le hikikomori a tendance à coexister avec d’autres affections mentales, elles ne sont donc pas à exclure lors du diagnostic. Tout au contraire, la fréquence des affections concomitantes augmente l’importance de considérer le retrait social comme un problème de santé. Il est possible que ce retrait social pathologique soit même favorisé par toute une variété de troubles psychiatriques (comme les attaques de panique par ex.).

Avec le développement des technologies numériques et de communication qui offrent des alternatives à l’interaction sociale, le hikikomori peut devenir un phénomène de plus en plus préoccupant et qui doit être détecté chez les jeunes et les moins jeunes.

En effet, les auteurs soulignent à nouveau le fait que les mêmes critères d’isolement social extrêmes peuvent s’appliquer aux personnes âgées et aux parents au foyer.

L’auteur principal, le Dr Alan Teo, professeur agrégé de psychiatrie à l’OSHU appelle ainsi ses confrères à mieux reconnaître l’isolement social comme un problème de santé.

« Il y a un problème culturel au sein de la « maison médecine » qui fait que nous n’y prêtons pas attention et que nous ne pensons pas que c’est bien à nous de traiter ces troubles ».

Source: World Psychiatry 10 January 2020 DOI : 10.1002/wps.20705 Defining pathological social withdrawal: proposed diagnostic criteria for hikikomori

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