Publié le 23/02/2022
Paris, le mercredi 23 février 2022 – Un couple sur quatre qui désire avoir un enfant ne parvient pas à obtenir une grossesse après 12 mois d’essai, délai correspondant à la définition de l’infertilité par l’OMS,
L’infertilité constitue donc un enjeu de santé publique majeur en France.
Dans ce contexte, le ministère de la santé a commandé un rapport qui lui a été remis le 21 février.
Les raisons d’une débandade
Ce document met d’abord en exergue les raisons de cette baisse de fertilité française mais plus généralement occidentale.
Sans surprise, c’est tout d’abord l’augmentation progressive de l’âge moyen des femmes à la première naissance qui explique en grande partie ce phénomène.
Ainsi, en 2019, cet âge était en France de 28,8 ans, soit près de cinq ans de plus qu’en 1975, période à laquelle les femmes mettaient au monde leur premier enfant à 24 ans.
Or, comme nous le savons, la fertilité féminine décline dès 30 ans, et cette baisse s’accélère significativement à partir de 35 ans et il ne fait pas de doute, que l’instauration d’un droit à l’autoconservation des gamètes pour tous par la loi de bioéthique de 2021 n’est qu’une réponse imparfaite à ce vieillissement des primipares.
Pourtant, « faute d’une information appropriée, nombreuses sont les femmes, et plus encore leurs compagnons, qui ignorent l’impact de l’âge sur leur capacité à procréer » soulignent les auteurs.
Cause secondaire de cette infertilité, l’exposition à des produits reprotoxiques, tels que les perturbateurs endocriniens.
Ici aussi, les auteurs soulignent l’importance d’un biais de méconnaissance : « malgré l’impact reconnu de ces polluants sur la santé reproductive, les mécanismes par lesquels ils altèrent la fertilité et leur degré de toxicité sont toujours ignorés, faute d’actions de recherche ciblées ».
Ainsi, une méta-analyse réalisée en 2017 a fait apparaître un déclin de plus de 50 % de la concentration spermatique chez les hommes des pays industrialisés entre 1973 et 2011, se poursuivant peu-être au même rythme depuis cette date. Cette observation serait notamment liée à une exposition régulière aux perturbateurs endocriniens.
De récentes études montrent également l’impact négatif des modes de vie occidentaux sur la fertilité des hommes et des femmes, en particulier pendant la période pré-conceptionnelle : consommation de tabac ou de cannabis, obésité…
AMP : une fausse sécurité
Le rapport pointe également le rôle délétère que jouerait « la médiatisation de stars donnant naissance à leur premier enfant après 40 ans » donnant faussement l’idée à beaucoup de couples « que l’assistance médicale à la procréation (AMP) constitue la « solution idéale » pour répondre à un projet parental tardif ».
C’est ignorer, comme le rappellent ces experts « que dans les centres d’AMP français, le taux de naissance vivante par tentative n’atteint que 20 % en moyenne ».
Quoi qu’il en soit, on ne peut que déplorer, comme le fait ce rapport, qu’en « amont du recours à l’AMP, les actions de prévention de l’infertilité sont aujourd’hui quasi inexistantes en France.
Qu’il s’agisse d’information du public sur l’effet de l’âge sur la fertilité, de la formation des professionnels au repérage précoce des facteurs d’altération de la fertilité, de la pertinence des diagnostics posés, ou de la compréhension de l’impact de l’environnement et du mode de vie sur la fertilité ».
Pour une sensibilisation à l’infertilité…dès l’âge des amours adolescentes
Pour ces spécialistes, le développement d’une prévention efficace est le pilier d’une politique qui permettra d’enrayer cette baisse de la fertilité et une saturation des centres d’AMP, aussi ils présentent « six axes d’améliorations formant le cadre d’un plan opérationnel de prévention de l’infertilité ».
En premier lieu, le rapport suggère d’informer régulièrement le public, dès le collège et tout au long de la vie, sur la physiologie de la reproduction, le déclin de la fertilité avec l’âge, les limites de l’AMP et les facteurs de risque d’infertilité, à travers notamment l’instauration d’une journée nationale de sensibilisation à l’infertilité, la création d’un numéro vert et d’un site internet dédié, et le lancement régulier de campagnes d’information grand public.
Une mission complexe puisque touchant un sujet tabou qui pourrait être ressenti comme une injonction à concevoir.
« Il apparaît donc indispensable de concilier le message d’information avec le libre choix des personnes » écrivent les auteurs.
Ce groupe diligenté par le ministère de la santé propose également d’instaurer des consultations ciblées qui viseraient à repérer de potentiels facteurs d’altération de fertilité, avec une première consultation à destination des adolescents.
Pour les couples ou les femmes ayant un projet parental, cette mission appelle aussi à promouvoir et développer une consultation pré-conceptionnelle, axée sur l’évaluation des facteurs de risques liés à leur environnement et à leur mode de vie.
Il faut améliorer la formation des professionnels
Les experts conseillent aussi d’ajouter au contenu du deuxième cycle des études médicales, un volet « prévention de l’infertilité » dans les Unités d’enseignement abordant la reproduction et de créer une UE optionnelle « Santé reproductive, causes et prévention de l’infertilité ».
Pour le troisième cycle, le rapport recommande d’intégrer un enseignement sur la prévention de l’infertilité dans l’ensemble des DES (ce qui pourra paraître incongru dans certaines spécialités…), de créer un enseignement spécifique dans le DES de médecine générale, et d’augmenter sensiblement le nombre de postes financés pour la Formation spécialisée transversale « Médecine et biologie de la reproduction- Andrologie ».
Il faudrait aussi, selon ce comité, créer des diplômes universitaires centrés sur la prévention de l’infertilité, accessibles aux médecins, mais également aux pharmaciens, aux infirmiers et aux sages-femmes.
Développement de la recherche
Développer la recherche dans le domaine de la reproduction humaine et de l’infertilité constitue un autre axe fondamental.
Dans cette perspective, il serait nécessaire d’intégrer « cette problématique dans les priorités d’investissements d’avenir du gouvernement, ce qui se traduirait par la mise en place d’un Programme et Équipements prioritaires de recherche (PEPR) dédié à la reproduction humaine et à la lutte contre l’infertilité, avec pour thématiques de recherche, la mesure de l’infertilité, ses déterminants environnementaux, notamment en lien avec les perturbateurs endocriniens, la compréhension de ses mécanismes génétiques et le développement de la recherche clinique sur la prise en charge des couples infertiles ».
Cet effort de recherche serait incarné par un Institut national de la fertilité.
Enfin, le texte souhaite un véritable changement de société : « pour tenir compte des évolutions du monde moderne, la société doit désormais faciliter la vie des parents et futurs parents, en développant des politiques publiques garantes d’un nouvel équilibre familial et professionnel.
Elle doit notamment permettre aux femmes qui souhaitent avoir des enfants de mener à bien ce projet lorsque leur fécondité est optimale, sans que ce choix porte atteinte à leur carrière ».
Reste à espérer que le prochain quinquennat sera fécond en matière de lutte contre l’infertilité…
F.H.
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