Publié le 19/07/2021
Le diagnostic et le suivi de certaines formes d’épilepsie sont difficiles en pratique courante : c’est le cas notamment des épilepsies temporales dites complexes.
Les manifestations paroxystiques ne relèvent pas toutes d’authentiques crises comitiales à expression atypique, mais peuvent relever d’autres mécanismes et, à ce titre, ne pas nécessiter d’instauration ou de modification d’un traitement antiépileptique.
Le patient et le thérapeute ont parfois du mal à s’y retrouver et un enregistrement vidéo de l’évènement sur place pourrait les aider.
L’OSmartViE study : le smartphone en tant qu’outil diagnostique
Le smartphone qui équipe la majorité de nos contemporains semble répondre à ce besoin, si l’on en juge d’après les résultats d’une petite étude de cohorte multicentrique prospective étatsunienne dite OSmartViE study dans laquelle ont été inclus 44 patients (femmes : n=31 ; âge moyen 45,1 ans [extrêmes= 20-82]) chez lesquels le diagnostic d’épilepsie était probable ou connu.
Au total, 530 évènements paroxystiques d’allure neurologique ont été enregistrés au domicile par un proche entre le 15 août 2015 et le 31 août 2018.
N’ont été retenus à des fins de comparaison et d’évaluation que ceux confirmés par vidéo-EEG, soit un par patient, classés dans trois catégories : crises psychogènes non épileptiques (n=30), crises épileptiques authentiques (n=11), évènements physiologiques sans substratum neuropsychiatrique (n=3).
Les 530 vidéos ont été analysées sans la moindre information par sept experts et six résidents seniors.
Le temps consacré à l’analyse de chaque vidéo a été en moyenne 133,8 s (extrêmes = 9-543).
La qualité des enregistrements vidéo a été jugée globalement satisfaisante dans 70,8 % des cas (375/530), et adéquate (36/44 ; 81,8%) pour ce qui est de la série comparée aux vidéo-EEG, en l’occurrence le gold standard de l’étude.
Une exactitude diagnostique comprise entre 70 % et 98 %
L’exactitude diagnostique a été estimée à 72,4 % ou 98,2 % dans le cas des crises d’épilepsie, versus 72,4% ou 95,7 % dans le cas des crises psychogènes non épileptiques, selon l’existence ou non de phénomènes convulsifs.
Un diagnostic exact n’a été cependant fourni par tous les intervenants (100 %) que moins d’une fois sur quatre (11 vidéos sur 44 et, dans tous les cas, il s’agissait de crises psychogènes non épileptiques), preuve d’une reproductibilité inter-opérateur possiblement restreinte par la qualité des images et du son.
La qualité audio de ces 11 vidéos a été jugée bonne par 86,2 % des opérateurs, versus 75,4 % pour les 33 autres (p = 0,01).
L’éclairage a été associé à une plus grande exactitude diagnostique (p=0,06), à la différence de la clarté de l’image sans effet significatif.
De fait, une vidéo de qualité médiocre a exposé à un risque d’erreur diagnostique de l’ordre de 24,2 % dans les 44 enregistrements revus par les divers intervenants.
L’interactivité limitée, le champ de vision restreint ou encore la courte durée de la vidéo sont autant de facteurs qui ont contribué à dégrader l’information.
Les enregistrements vidéo des évènements neurologiques paroxystiques par smartphone semblent offrir une aide non négligeable dans le diagnostic et le suivi de l’épilepsie, tout particulièrement en cas de formes cliniques atypiques ou complexes.
Dans la majorité des cas, les images sont interprétables mais il convient d’optimiser la prise de vue en jouant sur trois facteurs de qualité : l’interactivité, la durée de l’enregistrement, mais aussi la largeur et la profondeur du champ d’exploration.
Dr Philippe Tellier
RÉFÉRENCE : O Tatum W et coll. Video quality using outpatient smartphone videos in epilepsy: Results from the OSmartViE study. Eur J Neurol 2021;28 (5):1453-1462. doi: 10.1111/ene.14744.
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