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Erwan Le Roux est à la fois skipper et Président de la classe Ocean Fifty.

Il a invité Voiles et Voiliers à naviguer à bord de son trimaran, Koesio.

L’occasion d’évoquer son bateau au cockpit fermé, ses objectifs – une quatrième victoire dans la Transat Jacques Vabre – et l’avenir de la classe des trimarans de 50 pieds.

Sans langue de bois. Il est notamment convaincu que les Ocean Fifty ne doivent plus dépendre des grandes courses comme le Rhum ou la Jacques Vabre.

Entretien musclé, mots forts.

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Vainqueur de la Route du Rhum et de la Transat Québec Saint-Malo, Erwan Le Roux a aussi réalisé des triplés sur le Tour de France à la Voile et sur la Transat Jacques Vabre. | JEAN-MARIE LIOT

Olivier BOURBON. Modifié le 14/10/2021 à 09h18

Voiles et Voiliers : Erwan, après la Route du Rhum 2018 où tu avais pris la deuxième place juste derrière Armel Tripon, tu avais décidé de vendre ton Multi50 pour tenter de monter un projet en IMOCA pour le Vendée Globe 2020. Que s’est-il passé depuis ?

Erwan Le Roux : Le contrat avec mon partenaire historique, FenêtréA, arrivait à son terme.

Il fallait clôturer une histoire longue de dix ans. Le bateau a été revendu à Gilles Lamiré et est devenu Groupe GCA.

De mon côté, j’avais effectivement pour idée de participer au Vendée Globe 2020. Un partenaire était prêt à m’accompagner pour ce défi, Mix Buffet.

Nous avions les moyens de monter un projet aventure de deuxième ou troisième division.

Mais à l’époque, quand on a lancé le projet, il n’y avait quasiment plus de places pour le Vendée Globe.

Le danger était grand de figurer sur liste d’attente et de rester à quai.

J’ai exposé très honnêtement à mon partenaire le contexte et tous les paramètres de qualification.

Mix Buffet a préféré ne pas y aller. Au final, ça l’aurait peut-être fait, c’est dommage, mais au moins aujourd’hui je peux me regarder dans une glace.

En parallèle, j’ai entamé un diplôme universitaire accompagnateur de performance, très axé sur la préparation mentale. J’ai obtenu mon diplôme en mars 2020, juste avant le confinement.

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Erwan Le Roux a fait un passage instructif au sein du Team Banque Populaire, en accompagnant Armel Le Cléac’h puis Clarisse Crémer. | BANQUE POPULAIRE

J’ai un peu vécu le Vendée Globe 2020 de l’intérieur

Voiles et Voiliers : Tu as d’ailleurs accompagné Clarisse Crémer dans sa préparation au Vendée Globe 2020 en termes de performance. Tu étais même son skipper remplaçant…

Erwan Le Roux : Exactement. En fait, j’ai commencé par naviguer avec Armel Le Cléac’h en Figaro 3 car nous devions participer à la Transat AG2R 2020 ensemble.

Malheureusement, l’épreuve a été annulée à cause du Covid.

Tout s’est bien passé avec le team Banque Populaire et ils m’ont proposé d’accompagner Clarisse pour le Vendée Globe 2020.

Cela m’a permis de naviguer et de beaucoup apprendre en IMOCA. J’ai découvert un bateau, une série et un personnage, Clarisse.

Le partage d’expérience avec elle a été très instructif. J’ai un peu vécu le Vendée Globe 2020 de l’intérieur.

J’ai envie d’aller voir le cap Horn

Voiles et Voiliers : Cette immersion a-t-elle renforcé ton envie de participer un jour au Vendée Globe?

Erwan Le Roux : Oui, l’idée de faire le tour du monde en solitaire m’attire, c’est le Graal. J’ai envie d’aller voir le cap Horn…

Même à mon âge, je regarde avec des yeux d’enfants ce que font François Gabart, Thomas Coville, Francis Joyon…

Voiles et Voiliers : Le tour du monde en solitaire peut aussi être fait en Ultim…

Erwan Le Roux : Oui mais en Ultim c’est tellement haut, encore plus haut que le Vendée Globe.

Cela me semble presque intouchable. Même à mon âge, je regarde avec des yeux d’enfants ce que font François (Gabart), Thomas (Coville), Francis (Joyon).

On ne veut pas subir la loi des organisateurs, c’est insupportable. On ne veut plus dépendre d’eux. Aujourd’hui, un organisateur devrait construire un événement avec les coureurs qui sont les acteurs majeurs. On est en train de perdre cette dimension. On entre dans une logique de sport business.

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Erwan Le Roux, qui est resté Président de la classe Ocean Fifty, signe un retour en tant que coureur. A bord de son nouveau trimaran, il est un des grands favoris de la Transat Jacques Vabre. | JEAN-MARIE LIOT

Voiles et Voiliers : Cette année, tu fais finalement ton retour dans la classe Multi50, rebaptisée Ocean Fifty. Pourquoi ce come-back ?

Erwan Le Roux : J’ai toujours gardé ma casquette de Président de la classe. J’ai donc participé aux réflexions sur la meilleure manière de valoriser nos bateaux.

Nous savions que nous aurions une flotte plus conséquente en 2021 et 2022.

Il fallait donc établir un programme adapté, créer quelque chose de différent. Ainsi est né le Pro Sailing Tour.

J’ai eu envie d’y prendre part aussi en tant que coureur.

VOIR AUSSI :
VIDÉO. Transat Jacques Vabre. Erwan Le Roux rêve d’une quatrième victoire sous de nouvelles couleurs

Ocean Fifty. Quentin Vlamynck : « ça promet pour la Transat Jacques Vabre ! »

Voiles et Voiliers : Avec le Pro Sailing Tour, la classe Ocean Fifty dispose désormais de son propre championnat. L’idée est de ne pas seulement dépendre des grands événements comme la Route du Rhum ou la Transat Jacques Vabre ?

Erwan Le Roux : Oui, la classe Ocean Fifty veut être actrice de son avenir ! On ne veut pas subir la loi des organisateurs, c’est insupportable.

On ne veut plus dépendre d’eux. Aujourd’hui, un organisateur devrait construire un événement avec les coureurs qui sont les acteurs majeurs. On est en train de perdre cette dimension. On entre dans une logique de sport business.

Le ressenti de nos partenaires était toujours le même : « votre classe est géniale mais on ne parle jamais de vous sur les grandes courses ». Le problème est le même en Class40

Voiles et Voiliers : Pour autant, il semble difficile de se passer d’événements aussi puissants que la Route du Rhum ou la Transat Jacques Vabre…

Erwan Le Roux : Ce sont effectivement des courses iconiques qu’on a tous envie d’inscrire à notre palmarès.

Au départ de ces grands événements, il faut qu’on ait déjà eu un retour sur investissements avec notre propre démarche, notre programme, nos relations publiques et relations presse…

Le ressenti de nos partenaires était toujours le même : « votre classe est géniale mais on ne parle jamais de vous sur les grandes courses ».

Le problème est le même en Class40. Nous devons nous adapter et accroître notre attractivité.

C’est l’objectif du Pro Sailing Tour.

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Erwan Le Roux est persuadé que la classe Ocean Fifty a un rôle important à jouer dans le paysage de la course au large. | JEAN-MARIE LIOT

Sur un Ocean Fifty, on apprend à aller vite, on désacralise la peur du multicoque. C’est un super tremplin !

Voiles et Voiliers : Quel bilan tires-tu de la première année de ce circuit ?

Erwan Le Roux : Nous sommes tous d’accord pour dire que ce circuit est ce qu’il nous faut.

Le produit est top mais il faut qu’il progresse en termes de communication, d’animation… Il y a plein de choses à améliorer et on s’y attelle.

Nous souhaitons enrichir l’événement pour qu’il soit encore meilleur et génère davantage de retombées.

L’an prochain, il y aura huit bateaux avec l’arrivée d’Eric Péron, ça va être exceptionnel.

Oui, la navigation en multi est un stress permanent. Oui, on est sur le fil et il y a le danger de se mettre à l’envers. Mais quelle adrénaline, que c’est top ! Les Ocean Fifty sont technologiques et innovants. Mais nous ne sommes pas partis dans le créneau de l’hyper performance avec des dépenses à outrance. Les budgets restent accessibles pour des PME

Voiles et Voiliers : Quels sont selon toi les attraits de la classe Ocean Fifty pour les coureurs ?

Erwan Le Roux : Un passage dans cette classe est intéressant pour des coureurs en devenir qui veulent faire de l’IMOCA à foils ou même de l’Ultim plus tard.

Sur un Ocean Fifty, on apprend à aller vite, on désacralise la peur du multicoque. C’est un super tremplin !

Oui, la navigation en multi est un stress permanent.

Oui, on est sur le fil et il y a le danger de se mettre à l’envers.

Mais quelle adrénaline, que c’est top !

Les Ocean Fifty sont technologiques et innovants. Mais nous ne sommes pas partis dans le créneau de l’hyper performance avec des dépenses à outrance.

Les budgets restent accessibles pour des PME et nous voulons avoir le discours le plus simple possible pour faire connaître notre sport au grand public.

La dynamique est positive mais c’est toujours fragile, il faut rester humble. Affirmer que la classe décolle est un peu prématuré

Voiles et Voiliers : Depuis de nombreuses années, tu fais partie des personnes qui mettent beaucoup d’énergie pour valoriser cette classe. On a la sensation que ça paye, enfin !

Erwan Le Roux : La dynamique est positive mais c’est toujours fragile, il faut rester humble.

Une Transat Jacques Vabre un peu musclée, avec deux ou trois bateaux sur le toit, pourrait par exemple compliquer la donne.

Le Pro Sailing Tour a bien commencé et on ambitionne de faire une belle deuxième édition, mais affirmer que la classe décolle est un peu prématuré.

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Sur cette image, on aperçoit le cockpit très protégé du multicoque d’Erwan Le Roux. | JEAN-MARIE LIOT

Voiles et Voiliers : Peux-tu nous parler de ton nouvel Ocean Fifty, baptisé Koesio, un plan VPLP construit en Italie et mis à l’eau en septembre 2020 ?

Erwan Le Roux : Il a été conçu par les architectes à partir de nombreuses données enregistrées à bord de mon dernier trimaran. La grande particularité de ce multi, c’est qu’il a des bras en « K », avec un bras avant droit et un bras arrière en « V ». Le mât est posé sur le bras arrière, ce qui nous permet d’avoir une belle casquette et un cockpit très protégé.

VOIR AUSSI :
VIDÉO. Visite guidée du trimaran Ciela Village d’Erwan Le Roux, dernier né de la classe Ocean Fifty

Voiles et Voiliers : Justement, ce cockpit totalement fermé est inédit en Ocean Fifty…

Erwan Le Roux : Oui, mais sur d’autres Ocean Fifty les marins réfléchissent à des solutions similaires pour être protégés.

C’est le problème de nos bateaux, on est sous le « Kärcher » en permanence et cela demande beaucoup d’engagement physique.

On pense que le fait d’être abrité permet un vrai gain en performance à l’échelle d’une transat.

En revanche, on sera peut-être tout blancs en arrivant en Martinique (rires).

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Erwan Le Roux sera associé à Xavier Macaire pour la Transat Jacques Vabre 2021, dont le départ sera donné le 7 novembre. | ERWAN LE ROUX

Nous allons essayer de montrer un beau visage, une image dynamique et sympa auprès des coureurs susceptibles de nous rejoindre

Voiles et Voiliers : Sept Ocean Fifty sont inscrits à la Transat Jacques Vabre et en analysant le plateau, on a la sensation que tous peuvent potentiellement gagner. Tu confirmes ?

Erwan Le Roux : Oui, tous les binômes sont très performants et complémentaires.

Le niveau est homogène et il semble aujourd’hui bien difficile de donner un gagnant même si Leyton (avec Sam Goodchild et Aymeric Chappellier, NDR) a montré une certaine aisance sur le circuit.

Mais cela s’est toujours joué à peu de choses et il va y avoir du match. Une transatlantique est toujours pleine de rebondissements.

Avec Xavier Macaire, nous avons notre carte à jouer. Notre bateau va vite et nous avons bien progressé dans son utilisation.

Nous serons suffisamment à l’aise pour tenir le rythme imposé. La course va être vraiment sympa à suivre.

Nous allons essayer de montrer un beau visage, une image dynamique et sympa auprès des coureurs susceptibles de nous rejoindre.

En multicoque, nous avons le gros défaut d’être routés depuis la terre

Voiles et Voiliers : Pourquoi as-tu choisi Xavier Macaire comme co-skipper pour viser une quatrième victoire dans la Transat Jacques Vabre ?

Erwan Le Roux : Déjà, Xavier est un mec en or. J’avais besoin d’un co-skipper très pointu sur les questions stratégiques car en multicoque, nous avons le gros défaut d’être routés depuis la terre.

On a donc tendance à se concentrer sur la marche du bateau et pas forcément sur les routes.

Avec le niveau actuel dans la classe, il me semble intelligent de se donner les moyens d’avoir une analyse stratégique supplémentaire.

Avec les connaissances de Xavier et mon expérience des Ocean Fifty, nous avons moyen de bien faire.

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