Publié le 17/09/2020

Paris, le jeudi 17 septembre 2020 – Le ministre de la Santé, Olivier Véran, tient cet après-midi une conférence de presse dédiée à la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Officiellement, il s’agit d’une opération à visée « pédagogique ».

Il n’est cependant pas impossible qu’il s’agisse également d’une session de « rattrapage » pour le ministre de la Santé, Olivier Véran, qui pourrait avoir perdu sa place de « favori » auprès du Président de la République. Plusieurs médias ont en effet rapporté comment vendredi lors du Conseil de défense, Emmanuel Macron aurait sévèrement balayé la proposition de son ministre et du Directeur général de la Santé (DGS) d’imposer des limitations d’ouverture des bars à Marseille ou à Bordeaux en lançant : « On ne va pas faire pas faire payer à l’ensemble des Français le fait qu’on n’est pas bon sur les tests ».

Il a en encore constaté : « Un million de tests c’est bien beau, mais si les résultats arrivent trop tard, ça ne sert à rien », semblant oublier qu’il a été lui-même à l’origine de l’ouverture de l’accès aux tests sans ordonnance. Son mouvement d’impatience pourrait selon certains avoir conduit le chef de l’État à confier à Jean Castex plutôt qu’à Oliver Véran la tenue du point presse de vendredi dernier, qui n’a donné lieu qu’à des annonces restreintes.

Les tests antigéniques changeront-ils vraiment la donne

Alors que parallèlement à ce courroux présidentiel, certains ministres critiqueraient selon des échos du Parisien le manque de réactivité du ministère de la Santé, Olivier Véran pourrait ce soir marquer un point en présentant l’arrivée des tests antigéniques. Après une dernière phase d’évaluations la semaine dernière, ces tests dont le résultat peut être obtenu en une demi-heure vont désormais pouvoir être plus largement utilisés.

Il ne s’agit cependant pas d’une généralisation totale, puisque l’arrêté publié hier précise qu’ils s’adressent aux personnes symptomatiques et aux cas contacts et que leur utilisation doit être l’objet d’autorisations au cas par cas.

« Des opérations collectives de dépistage par des tests rapides nasopharyngés d’orientation diagnostique antigéniques peuvent être autorisées par le ministre chargé de la Santé, sur proposition des directeurs généraux des agences régionales de santé intéressés, […] afin notamment de décharger les laboratoires de biologie médicale de certaines patientèles et d’améliorer les délais de transmission des résultats des tests RT-PCR », explique le texte.

Vivre avec

Cette mesure que certains pourraient considérer comme une demi-mesure est-elle à l’image de la politique du gouvernement ? Cette dernière demeure en effet incertaine aux yeux d’un grand nombre d’observateurs. « La stratégie française n’est toujours pas clairement définie. Veut-on éradiquer l’épidémie ou simplement la contrôler ? Ne protéger que les personnes fragiles ou se concentrer sur les clusters ? », s’interrogeait dans le Journal du Dimanche, William Dab ancien Directeur général de la Santé.

Outre les procès en incompétence que certains ne manqueront pas d’intenter, ce défaut de stabilité pourrait être la conséquence d’une évolution de la position de l’exécutif. Beaucoup dans l’entourage d’Emmanuel Macron et de Jean Castex indiquent que désormais la philosophie est de « vivre avec » le virus, tout en permettant éventuellement des mesures locales en cas d’aggravation des indicateurs.

Ainsi, de nouvelles grandes villes pourraient être dès aujourd’hui ou demain concernées par des restrictions semblables à celles adoptées à Bordeaux ou à Marseille.

Des Français adeptes du principe de précaution

Avec cette politique d’équilibriste, la difficulté pour le gouvernement est de conserver la confiance des Français. Largement favorables aux mesures de confinement qui avaient été prises il y a six mois jour pour jour, les Français sont aujourd’hui une majorité également (62 % selon un sondage réalisé pour BFMTV) à s’inquiéter du « manque de précaution » du gouvernement.

Face à cette inquiétude qui s’installe, les prises de position contradictoires des médecins, que nous avons déjà évoquées dans ces colonnes, ne facilitent sans doute pas une appréhension sereine de la situation par nos compatriotes.

Entre principe de précaution et pragmatisme du principe de réalité

Pourtant, parallèlement aux appels de certains à un durcissement des mesures appliquées et aux désirs des autres d’éviter un catastrophisme délétère face à une situation épidémique qui aujourd’hui encore ne se traduit pas par une mortalité trop inquiétante, sept médecins signent dans le Monde une tribune qui dessine une stratégie dans laquelle l’impact des mesures adoptées serait apprécié dans son ensemble (c’est-à-dire sanitaire mais aussi économique et social).

Pour ces praticiens, parmi lesquels le professeur Yonathan Freund et le docteur Mathias Wargon, l’objectif doit demeurer d’éviter l’engorgement des services de réanimation, qui se caractérisent aujourd’hui par une meilleure préparation et des taux de succès de prise en charge de la Covid significativement améliorés grâce à une meilleure connaissance du virus, à une utilisation adaptée des corticoïdes et à l’adoption de différentes stratégies.

Aussi, pour respecter l’objectif d’éviter la saturation, la priorité paraît devoir être la protection des personnes les plus fragiles et non la volonté à tout prix de freiner la circulation du virus dans l’ensemble de la population. Ces médecins considèrent d’une manière générale que l’idée d’atteindre une immunité de groupe « ne peut être balayée d’un revers de la main ». « Tout signe de reprise de l’épidémie ne doit pas être systématiquement qualifié d’explosion exponentielle mais pourrait, par endroits, correspondre à une fluctuation de la ligne de base. (…).

Toutefois, la question à laquelle nous devons réfléchir dépasse la seule expertise scientifique, elle ne se résume pas à savoir comment limiter le risque de propagation du virus. Cette propagation est sans doute inéluctable, et peut-être même nécessaire dans une certaine mesure. (…) Il y aura donc pendant très longtemps des choix difficiles à faire, entre tentation du principe de précaution et pragmatisme du principe de réalité − celui de l’acceptation d’un certain risque sanitaire, maîtrisé, et assumé. Il semble que, ces derniers jours, c’est le second qui a été préféré.

Espérons que cela dure » écrivent-ils.

Bien sûr cependant suivre une telle ligne pourrait supposer de se dédire (par exemple concernant la politique de tests ou encore le recours aux masques en extérieur) et nécessite effectivement des importants efforts de pédagogie. Nous saurons cet après-midi si Olivier Véran réussit cet exercice de pensée complexe et très accessoirement s’il peut espérer retrouver sa place parmi les favoris du Président.

Aurélie Haroche

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