Par Jean-Benoit Legault, La Presse canadienne

Une aînée fouille dans son armoire à médicaments Profession Santé logo 29/03/2022

Si une vaste majorité d’aînés sont prêts à prendre moins de médicaments si c’est possible, presque 15% d’entre eux tiennent en revanche à conserver toute leur médication actuelle, démontre une étude réalisée à l’Université Laval.

Cet attachement « irrationnel » de certains aînés à leur médication est difficile à comprendre, admet l’auteure de l’étude, la professeure Caroline Sirois de la Faculté de pharmacie et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.

Peut-être, dit-elle, que des aînés qui prennent un médicament depuis très longtemps lui font confiance et comprendraient mal qu’on leur demande d’arrêter.

« Peut-être (que les personnes âgées) ne seraient pas à l’aise parce qu’elles se disent, « mais on m’a toujours dit que je devrais prendre ce médicament-là, donc il y a peut-être des bénéfices » », a dit Mme Sirois.

Un aîné qui prend depuis plusieurs années un médicament contre le cholestérol pourrait par exemple s’inquiéter de subir un AVC, comme c’est arrivé à un proche, s’il devait interrompre sa médication? et ce, même si on lui explique qu’il n’y a plus d’avantages à poursuivre à partir d’un certain âge, et qu’il peut même y avoir un risque potentiel d’effets secondaires plus importants, a-t-elle illustré.

La professeure Sirois et ses collègues ont recruté dans des pharmacies ou des centres communautaires du Québec 110 personnes âgées de 65 ans et plus.

La moyenne d’âge des participants à l’enquête était de 75 ans, et ils prenaient entre deux et six médicaments différents par jour.

La grande majorité des participants accepterait de ne plus prendre un médicament jugé inapproprié par leur médecin, mais un participant sur sept refuserait.

Lors d’une étude antérieure, l’équipe de la professeure Sirois avait démontré que 48% des Québécois de plus de 65 ans prenaient au moins un médicament potentiellement inapproprié.

Le risque de prendre un médicament inapproprié augmente évidemment en fonction du nombre de prescriptions, et on devrait donc accorder une attention particulière aux personnes polymédicamentées, a dit Mme Sirois.

« On a beaucoup de questionnements à ce niveau-là et on n’a pas beaucoup de réponses dans la littérature, a-t-elle admis.

Plus on a de médicaments, plus on risque d’avoir (…) un produit pour lequel les bénéfices sont moins grands que les risques ou pour lequel il existe d’autres alternatives. »

« Donc il y a vraiment quelque chose qui se passe dans notre population en général.

On prend beaucoup de médicaments et on a beaucoup de médicaments dont on questionne la qualité et la pertinence, donc il faut faire quelque chose. »

Les professionnels de la santé sont de plus en plus conscients de l’importance de réévaluer la pertinence de la médication, a ajouté Mme Sirois, mais il s’agit d’un exercice complexe qui « malheureusement, prend beaucoup de temps ».

« Lors d’un rendez-vous annuel avec un médecin, on a un temps limité, puis faire une vraie bonne revue de tous les médicaments, de regarder les bénéfices, les effets secondaires réels ou potentiels, les objectifs qu’on veut chercher, c’est très long, donc on n’a pas le temps nécessairement de faire ça », a-t-elle dit.

Mais même si le processus est long, le jeu en vaut la chandelle, croit Mme Sirois, puisqu’il pourrait permettre non seulement de réduire les coûts pour le système de santé, mais aussi d’améliorer la qualité de vie des patients.

Les conclusions de cette étude ont été publiées dans le Journal of Applied Gerontology.

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ULaval Nouvelles    ULaval NouvellesRECHERCHE 25 mars 2022

Déprescription de médicaments: les personnes âgées sont partantes

La grande majorité accepterait d’abandonner des médicaments si leur médecin le recommandait – Par : Jean Hamann

Les professionnels de la santé, en particulier les pharmaciens, ont un rôle important à jouer dans le processus de déprescription. Ils doivent faire équipe avec les patients et les proches aidants.

Au Québec, la surconsommation de médicaments est un phénomène répandu, mais il n’est pas irréversible.

À preuve, une étude qui vient de paraître dans le Journal of Applied Gerontology révèle que 85% des personnes âgées seraient disposées à abandonner au moins un médicament, si leur médecin le recommandait.

«Ces résultats suggèrent que la déprescription de médicaments est une idée bien accueillie par une large proportion des personnes âgées», constate la responsable de l’étude, Caroline Sirois, de la Faculté de pharmacie et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.

La professeure Sirois et ses collaboratrices ont sondé 110 personnes de 65 ans ou plus, recrutées dans des pharmacies ou des centres communautaires du Québec, pour documenter leur attitude par rapport à la déprescription.

Les répondants, dont l’âge moyen était de 75 ans, prenaient entre 2 et 6 médicaments par jour.

« C’est assez représentatif des gens en bonne santé dans ce groupe d’âge », précise la professeure Sirois.

La grande majorité des répondants accepterait de cesser un médicament jugé inadéquat par leur médecin, mais une personne sur 7 refuserait.

« Il existe une forme d’attachement irrationnel à certains médicaments, constate la chercheuse.

Par exemple, il peut être difficile de convaincre une personne qui dort mal de cesser de prendre des médicaments contre l’insomnie, même si aucun de ces médicaments n’est efficace à long terme.

Les gens pensent qu’ils dormiraient encore moins bien s’ils n’en prenaient pas. »

Fait étonnant, 94% des répondants se sont dits satisfaits de leur médication. «Cela suggère qu’on ne peut pas se fier au degré de satisfaction par rapport à la médication pour identifier les patients qui pourraient être priorisés dans une démarche de déprescription», commente la professeure Sirois.

« Le risque de prendre un médicament inapproprié augmente en fonction du nombre de prescriptions. Il faudrait donc porter une attention particulière aux personnes polymédicamentées. Mais il faut aussi miser sur la prévention et évaluer régulièrement la pertinence des médicaments des personnes qui n’ont que quelques prescriptions. »

— Caroline Sirois, au sujet des priorités de la déprescription

Dans une étude antérieure, cette équipe de recherche avait démontré que 48% des Québécois de plus de 65 ans prenaient au moins un médicament potentiellement inapproprié.

« Il s’agit de médicaments pour lesquels les risques d’effets secondaires indésirables sont plus grands que les bénéfices potentiels et pour lesquels il existe pas d’autres avenues de traitements », précise la chercheuse.

Par où commencer l’exercice de déprescription?

« Le risque de prendre un médicament inapproprié augmente en fonction du nombre de prescriptions.

Il faudrait donc porter une attention particulière aux personnes polymédicamentées, analyse-t-elle.

Mais il faut aussi miser sur la prévention et évaluer régulièrement la pertinence des médicaments des personnes qui n’ont que quelques prescriptions.

Les professionnels de la santé, en particulier les pharmaciens, ont un rôle important à jouer dans le processus de déprescription.

Notre étude montre qu’ils pourront compter sur l’appui des proches aidants puisque 71% d’entre eux ont également une attitude positive par rapport à la déprescription.»

L’étude parue dans le Journal of Applied Gerontology est signée par Bianca Rakheja et Caroline Sirois, de l’Université Laval, Nicole Ouellet, de l’Université du Québec à Rimouski, et Barbara Roux et Marie-Laure Laroche, de l’Université de Limoges.