Le père du Laser, Bruce Kirby, est décédé le 18 juillet à l’âge de 92 ans.
La légende veut que ce soit en téléphonant qu’il dessina ce bateau mythique, il y a presque 50 ans.
Coup de crayon de légende dont sont issues plus de 210 000 coques olympiques ou de loisirs mais qui, toutes, peuvent encore être « glissées sur le toit d’une voiture » comme le voulait son inventeur canadien.
Les navigateurs des Jeux Olympiques de Tokyo ont choisi mercredi de lui rendre hommage.
Voiles et voiliers aussi.
« Nous n’avions jamais imaginé le succès du Laser » expliquait Bruce Kirby aux journalistes de Voiles et Voiliers venus l’interroger chez lui. | DR / FRANÇOIS DELIAC ET LAURENT CHARPENTIER
Loic MADELINE et Didier RAVON, avec Martin LAGRAVE.Publié le 21/07/2021 à 17h25
Charade… « Le poids et la surface de voilure de mon premier (60 kilos et 7 mètres carrés) sont presque égaux à ceux de l’Europe.
Mon second, long de 4,23 mètres, est plus court que le Finn, 4,50 mètres.
La largeur de mon troisième, 1,27 mètre, est beaucoup plus étroite que la Yole, 1,42 mètre, elle-même un peu plus fine que le Moth Europe, avec son bau de 1,44 mètre.
Mon tout est un dériveur solitaire, dont le nom a été choisi parce qu’il est identique dans toutes les langues du monde. Qui suis-je ? ».
« Oh, lecteur solitaire, toi barreur, mon frère, as-tu trouvé… ? Non… Eh bien !
C’est le Laser, un bateau qui nous a étonnés par sa simplicité, par sa légèreté et par ses performances brillantes dans nos essais par très forte brise ou temps médium » : voilà comment, en 1974, Éric Dumont débutait dans les colonnes de Voiles et Voiliers son essai du Laser.
Plus de 210 000 exemplaires vendus dans le monde
47 ans plus tard, force est de constater qu’il avait vu juste sur ce bateau inventé par Bruce Kirby puisque plus de 210 000 exemplaires ont été vendus dans le monde.
L’une des séries avec le niveau le plus relevé de tout le paysage nautique mondial.
Alors que les épreuves de voiles des Jeux Olympiques de Tokyo 2020 s’ouvriront dès le 25 juillet 2021, les navigateurs engagés sur la compétition ont tenu mercredi à rendre hommage à Bruce Kirby, inventeur du Laser/ILCA, décédé le 18 juillet à l’âge de 92 ans.
Plus de 210 000 Laser naviguent encore sur tous les rivages du monde et sur tous les plans d’eau olympiques. | PIERRICK CONTIN
« Ce Grand Monsieur venait de gagner son procès face à l’international Laser Class Association et donc une coquette somme de royalties non payés après des années de procédure, explique Didier Ravon.
Du coup, l’ILCA, vexé et rancunier, a débaptisé le Laser pour le nommer ’ILCA 6’ et ’ILCA 7’ pour les grandes compétitions internationales comme les JO.
Bruce Kirby, qui était un vrai gentleman, a été profondément blessé par cette décision… qui a sans doute accéléré sa disparition ».
« Je l’avais rencontré en 1986 pendant la Coupe de l’America en Australie.
Il avait dessiné le 12 Mètres JI des Canadiens, précise Didier Ravon.
French Kiss et les Canadiens, nous étions très copains, là-bas ».
Bruce Kirby avait commencé par lui donner le nom de -weekender- parce qu’il avait conçu un bateau de loisirs qu’on pouvait mettre sur le toit d’une voiture
« À la création de ce bateau, Bruce Kirby avait commencé par lui donner le nom de -weekender- parce qu’il avait conçu un bateau de loisirs qu’on pouvait mettre sur le toit d’une voiture, se souvient de son côté Loic Madeline.
Un étudiant d’une université de Montréal lui avait alors conseillé de lui donner un nom plus -scientifique-, comme « Laser », par exemple.
Les choses de la vie font qu’il a connu un essor spectaculaire et est devenu Série olympique ».
« Le Laser a connu un tel succès qu’il a été plusieurs fois copié, précise Loic Madeline.
Les Français, avec la Fédération, avait ainsi tenté de lancer le ’X4’ mais cela devait être une mauvaise copie puisque cela n’a pas trop marché.
Les Japonais de Yamaha ont essayé aussi, avec leur’Sea Hopper’.
Pour un résultat identique au final ».
Bruce Kirby était né à Ottawa au Canada le 2 février 1929.
D’abord journaliste nautique, c’est la conception d’un emblématique dériveur qui lui permettra d’opérer un tournant professionnel, le Laser, en faisant l’une des grandes figures de la voile.
Un dessin en or : la première esquisse du Laser « dessinée par son inventeur pendant qu’il téléphonait », dit la légende… | DR / BRUCE KIRBY
Il participe à ses premières régates en International 14, dériveurs apparus au début des années 20, à l’âge de 15 ans.
Il a déjà en tête de rendre les bateaux plus rapides.
Après avoir été battu lors d’une régate à Cowes, il dessine son premier bateau, le Kirby Mark I, rapide au près dans la brise, dont 30 exemplaires sont vendus.
Sans formation, il apprend à travers les livres de l’époque, notamment l’Element of Yacht Design de Skene.
Il dessine ensuite son propre Kirby International 14, dont 7 versions verront le jour, 739 bateaux au total.
Il participe à ses premiers Jeux en 1956 à Melbourne, en Finn
En 1964, Bruce Kirby déménage en Finlande et intègre l’équipe olympique du Canada.
Pour autant, il est toujours depuis le milieu des années 60 rédacteur en chef de One Design Yachtsman (aujourd’hui Sailing Word).
Il participe à ses premiers Jeux en 1956 à Melbourne en Finn, où il se lie d’ailleurs d’amitié avec le danois Paul Elvtrom, triple médaillé olympique dans cette catégorie.
Il réitère l’opération à Enoshima en 1964 – lieu où se tiendront d’ailleurs les Jeux de Tokyo 2020, avant de naviguer en Star sur les jeux de 1968.
VOIR AUSSI :
Bruce Kirby : « Nous n’avions jamais imaginé le succès du laser »
LA VIDÉO DE L’INTERVIEW EXCLUSIVE DE BRUCE KIRBY CI-DESSOUS
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Crédit vidéo : François DELIAC et Laurent CHARPENTIER / Voiles et Voiliers
Mais sa renommée mondiale, il la doit à son invention du Laser (aujourd’hui ILCA), croqué alors qu’il passe un coup de fil, et lancé en 1971.
Aujourd’hui, plus de 210 000 coques de Laser ont été construites à travers le monde.
Relativement abordable, la flotte est l’une des plus grandes au monde parmi les classes olympiques.
Rebaptisé ILCA pour de sombres raisons, le Laser continue de caracoller sur les plans d’eau olympiques. | SAILING ENERGY / WORLD SAILING
Bien qu’il soit mondialement reconnu comme le père du Laser, il a pourtant dessiné de nombreux autres bateaux : le Sonar, le Kirby 25, l’Ideal 18, le 12 Mètres JI canadien de la Coupe de l’America, mais aussi des bateaux de course-croisière de série comme les San Juan 24 et 30 ou encore des bateaux de course au large de 40 pieds pour l’Admiral’s Cup et des bateaux de croisière.
Nombreuses décorations
Bruce Kirby avait reçu de nombreuses décorations : intronisation aux Hall of Fame canadien et américain, Ordre du Canada, International Yacht Racing Hall of Fame, International Laser Class Association Hall of Fame.