Santé et alimentation

Par Céline Montpetit – 25 février 2022

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Votre petit verre d’alcool quotidien n’est peut-être pas aussi bénéfique que vous le croyez. Faut-il pour autant vous abstenir de boire?

Une étude publiée en juillet 2021 dans The Lancet Oncology révèle que 4 % des cancers (soit 741 000 cas) diagnostiqués dans le monde en 2020 étaient liés à la consommation d’alcool.

Fait troublant : de ce nombre, 103 000 étaient attribuables à une consommation jugée modérée, c’est-à-dire moins de 20 g d’alcool par jour (environ 1,5 verre de vin de 142 ml à 12 % d’alcool).

Les chiffres révélés dans la revue donnent à réfléchir sur nos habitudes, mais ils n’ont pas tant de quoi surprendre. Après tout, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une branche de l’Organisation mondiale de la santé, classe l’alcool comme un cancérigène avéré.

Au chapitre des cancers évitables, il se trouve juste après le tabac et devant l’alimentation déséquilibrée et le surpoids, selon le CIRC.

Alcool, tabac et VPH ne font pas bon ménage

D’après l’étude du Lancet Oncology, les cancers les plus fréquents qui sont attribuables à l’alcool sont ceux de l’œsophage, du foie, du sein (pour les femmes), du côlon, de la cavité buccale, du rectum, du pharynx et du larynx.

Cependant, le lien entre l’alcool et le cancer est complexe, selon le Dr Denis Soulières, hématologue et oncologue médical au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

« À lui seul, l’alcool est clairement un facteur de risque pour tous ces cancers.

Mais son rôle précis est difficile à mesurer, car il faut aussi tenir compte dans l’équation de la présence d’autres facteurs de risque, comme le tabac, ce que l’étude ne fait pas », dit-il.

Selon l’expert, le cancer de l’œsophage est lié à la combinaison alcool et tabac.

Quant aux cancers de la sphère ORL (qui comprend notamment le pharynx et le larynx), ils sont associés à trois variables : l’alcool, le tabac et le fait d’avoir été exposé à certains types du virus du papillome humain (VPH).

Ce virus – contre lequel il est possible de se faire vacciner – est transmissible par les relations sexuelles, et notamment par le sexe oral; or, la plupart du temps, les personnes infectées ignorent qu’elles le sont, car elles ne présentent pas de symptômes.

Le risque croît avec l’usage

S’il est vrai que même une consommation modérée d’alcool n’est pas sans risque, celui-ci croît avec l’usage.

C’est d’ailleurs ce que démontre l’étude publiée dans la revue citée plus haut : 86 % des cas de cancers étaient attribuables à une consommation d’alcool risquée, voire excessive (voyez l’infographie ci-dessous).

En effet, « une exposition répétée et en grande quantité augmente considérablement le risque d’avoir un cancer », confirme le Dr Soulières.

Selon un récent rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), 84 % des adultes québécois consommaient de l’alcool en 2020.

Un peu plus du quart d’entre eux en consommaient de façon abusive – c’est-à-dire quatre verres ou plus lors d’une même occasion chez les femmes et cinq verres ou plus chez les hommes – au moins une fois par mois dans la dernière année.

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Des campagnes de sensibilisation peu percutantes

Le Dr Denis Soulières, du CHUM, est d’avis qu’il faut informer la population beaucoup mieux; l’aviser clairement que consommer de l’alcool accentue le risque de développer un cancer.

« On parle de modérer sa consommation, des dangers de l’alcool au volant, mais on ne fait pas le lien entre alcool et cancer comme on le fait pour le tabac », expose-t-il.

Même son de cloche du côté de Jean-Sébastien Fallu, professeur agrégé à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal et chercheur régulier à l’Institut de recherche en santé publique de cette même université.

Il constate « une symbolique festive autour du vin et de l’alcool, considérés comme banals, voire glorifiés ».

Le chercheur s’explique mal pourquoi on ne met pas de mises en garde sur les produits alcoolisés, comme on le fait pour le cannabis et pour la cigarette.

À son avis, l’industrie des boissons alcoolisées n’est pas favorable à l’idée d’un tel avertissement, qui pourrait entraîner une baisse des ventes.

C’est du moins ce qui a été démontré au Yukon. En 2017, le territoire a lancé un programme destiné à sensibiliser sa population aux risques encourus par une consommation excessive d’alcool.

Des étiquettes indiquant « L’alcool peut causer le cancer » ont alors été apposées sur les bouteilles d’alcool.

Cette campagne, financée en partie par Santé Canada, devait durer huit mois, mais elle a été abandonnée au bout d’un mois à la suite d’une forte opposition de l’industrie, rapportait Radio-Canada à l’époque.

Un risque calculé

Il revient à chaque personne de gérer son risque en toute connaissance de cause.

Même si le risque zéro n’existe pas, une consommation d’alcool modeste a très certainement « bien meilleur goût », pour reprendre l’expression consacrée.

Éduc’alcool recommande une limite de 2 verres par jour pour les femmes et de 3 pour les hommes, et un maximum hebdomadaire de 10 verres pour les femmes et de 15 pour les hommes.

L’organisme conseille aussi aux gens d’observer au moins un jour d’abstinence par semaine, et préférablement deux.

Vous vous demandez à quoi correspond ce fameux « verre »?

Voyez l’outil « Verseur de verre standard » sur le site web d’Éduc’alcool.

Le vin : bon pour la santé du cœur?

Oui, mais à certaines conditions, comme l’explique le Dr Martin Juneau, cardiologue et chercheur à l’Institut de cardiologie de Montréal.

« Le vin, surtout le rouge, lorsqu’il est consommé modérément, peut avoir un effet protecteur, mais seulement contre l’infarctus du myocarde; pas pour d’autres maladies du cœur », dit-il.

En effet, selon l’INSPQ, une consommation d’alcool (y compris le vin), même modérée, est associée à un risque plus élevé de certaines maladies cardiovasculaires, comme les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et l’hypertension.

D’ailleurs, le Dr Juneau conseille à ses patients dont l’hypertension est mal contrôlée de boire le moins possible, et à ceux qui font de l’insuffisance cardiaque de s’abstenir.

Selon lui, plusieurs Québécois partagent quotidiennement une bouteille de vin complète avec leur conjoint. « C’est beaucoup trop », prévient le cardiologue.

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