Vendredi 17 juillet 2020
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Pr François Carré, Dr Walid Amara AUTEURS ET DÉCLARATIONS – 15 juillet 2020
Activité physique, épreuves d’effort et réhabilitation après le confinement et dans le contexte du Covid : le point sur les mesures de protection et de sécurité, avec le Pr François Carré et le Dr Walid Amara
TRANSCRIPTION
Walid Amara — Bonjour et bienvenue sur Medscape, je suis Walid Amara et j’ai le plaisir d’avoir avec moi le Pr François Carré, du CHU de Rennes, pour parler de sport, de réadaptation, d’épreuves d’effort et de reprise d’activité physique. Tout d’abord, dans notre pratique médicale, l’activité d’épreuve d’effort et de réadaptation n’a pas tout à fait encore démarré ou est sur le point de démarrer dans certains centres [à cause du Covid]. Peut-on redémarrer l’épreuve d’effort en toute sécurité aujourd’hui ?
François Carré — Avec les données qui sont à notre disposition et à partir du moment où on prend les précautions qui sont recommandées, je pense que oui. C’est-à-dire que ces précautions sont de respecter les gestes barrières, de se protéger, de faire par exemple des choses très simples : que le patient se trouve non pas face à nous, et ne nous envoie donc pas sa ventilation face à nous, mais qu’on se mette de côté, et si possible, le mettre lui vers une fenêtre qu’on peut ouvrir ― comme il fait bon ― pour que l’air qu’il expulse puisse passer vers l’extérieur. À partir de ce moment-là, oui. Bien sûr, auparavant, on doit faire remplir un questionnaire aux patients pour savoir s’ils ne sont pas atteints du Covid au moment où on va les tester ou s’ils n’ont pas été en contact dans un délai relativement proche.
Walid Amara — Le patient doit-il porter un masque au moment où il fait son épreuve d’effort ?
François Carré — De par notre expérience, nous recommandons au patient d’enter et de s’installer avec un masque. On l’équipe complètement, et au moment où commence le test, je lui fais enlever le masque parce que je pense que ce n’est pas possible de réaliser un effort maximal avec le masque. Déjà que ce n’est pas facile, surtout pour nos patients sont déjà un peu fatigués et fragiles, donc pour avoir essayé moi-même le masque, au-delà du premier seuil ventilatoire, ça devient compliqué.
Walid Amara — Pour le personnel, faut-il un masque chirurgical et distanciation ou faut-il rajouter des protections supplémentaires ?
François Carré — Il n’y a pas réellement de recommandations, mais plutôt des conseils émis par la Société Française de Cardiologie et le groupe Exercice/Réadaptation/Sport, à savoir de porter un masque et être en tenue habituelle, si possible en tunique et une blouse normalement, si le patient n’est pas atteint de Covid ou s’il n’est pas suspect d’être atteint de Covid. À partir du moment où on le suspecte, ou s’il a eu le Covid, il est recommandé d’avoir en plus du masque, soit des lunettes, soit une visière, une charlotte et une surblouse.
Walid Amara — La réadaptation, qui est l’autre pendant de la spécialité, et qui a été mise en suspens pendant la période Covid, a-t-elle redémarré aujourd’hui, et comment l’organisez-vous ?
François Carré — Je pense que cela a redémarré. Il faut que cela redémarre de toute façon. Pour cela, on va respecter les mesures barrières, donc cela veut simplement dire qu’on va garder une distanciation entre les différents appareils de réadaptation.
Cela veut dire aussi que l’on va essayer de travailler dans des pièces aérées, diminuer le nombre de personnes qui vont faire leur activité physique en même temps, et si jamais il y a plusieurs groupes, il faut prendre un délai entre les deux d’environ une quinzaine de minutes, en aérant la pièce. Nous avons inculqué l’éducation de nos patients – ils doivent nettoyer leur vélo, leur matériel, avant de repartir, avec du produit adapté. Et bien sûr, il y a quelqu’un de l’équipe qui vérifie que tout a été bien fait.
Walid Amara — Nous recevons beaucoup de questions de la part de nos patients, et nous-mêmes, nous nous posons des questions par rapport notre pratique de l’activité physique. Beaucoup s’y sont mis, ont réduit ou arrêté, parfois, pendant le confinement, c’était un moment de liberté. Est-ce que, selon ton expérience, les gens qui était en réadaptation en externe, ou que vous suiviez à distance, ont-ils arrêté l’activité physique dans cette période et est-ce que vous avez du mal à les faire démarrer ?
François Carré — Oui. C’est un problème important parce que même si on leur avait expliqué que la réadaptation, que l’exercice physique, faisait partie leur traitement, au même titre que les autres médicaments, chez les cardiaques et chez toutes les maladies chroniques, on s’est rendu compte (en se basant sur la centaine de patients à qui nos enseignants d’activité physique adaptée ont téléphoné pendant confinement) que 40% d’entre eux ont suivi les vidéos qu’on leur a envoyées, etc., et tous les conseils qu’on leur a donnés, et 60% ont arrêté.
Au moment du déconfinement, les 40 qui avaient continué nous ont dit, un peu impatients « nous, on recommence ! Quand est-ce qu’on recommence ? ». Donc ils ont recommencé. Et les 60 autres nous ont dit qu’ils reviendraient en septembre. Cela veut dire que notre éducation thérapeutique n’a pas été suffisante, puisqu’ils n’ont pas bien compris que cela faisait partie de leur traitement.
Walid Amara — On sait qu’en cette période de confinement, il y a eu une augmentation des arrêts cardiaques, cela a été publié par l’équipe de Georges Pompidou, est-ce que cela a un lien? Les hypothèses peuvent s’accumuler… Il y a eu moins d’infarctus chez les gens qui sont venus à l’hôpital pour des infarctus, peut-être parce qu’ils n’ont pas osé appeler, mais en tout cas, c’est vrai qu’il y a ce sujet des patients qui ont une maladie chronique, et que le sport est un médicament, donc c’est comme s’ils ne prenaient pas leur traitement.
François Carré — Oui, c’est exactement ça.
Walid Amara — Les gens se remettent-ils maintenant au sport ? Il y a un succès de vente de vélos, dont certains sont en épuisement de stock. Finalement, comment doit-on garder la distance par rapport à celui qui nous précède, à la course à pied ou à vélo ? Quels seraient tes conseils lorsqu’on court par rapport à notre distanciation ?
François Carré — Là aussi la période Covid a été très particulière au niveau des données et des conseils qui ont pu être donnés. Je pense qu’il faut être très modeste et savoir qu’on sait peu de choses, en réalité. Il y a eu un article fait par une équipe hollandaise sur la course à pied – quand on lit l’article bien précisément, on se rend compte que les auteurs sont très modestes, et disent que quand on court à environ 14 km/h et qu’on est les uns derrière les autres, on risque de recevoir, si le premier coureur devant ventile un peu fort, des postillons, et que peut aller jusqu’à 5 m derrière.
Donc il a été recommandé de se mettre à plus de 5 m, voire 10 m. Mais ce n’est que pour cette allure-là. Parce qu’en plus, ils le disent très bien : ils n’ont pas pris compte le vent, de face, de côté, enfin toutes ces choses-là. Donc c’est un peu étonnant.
Ce que je conseille aux gens est de ne pas courir les uns derrière les autres, ça c’est sûr, puisque de toute façon, c’est comme en vélo, on sait que quand on souffle, l’air va envelopper notre corps va se regrouper derrière nous, donc c’est la plus mauvaise position. Donc soit se mettre en décalage, soit se mettre les uns à côté des autres et si possible à ce moment-là garder 1m ou 1,5m de séparation.
Ce sont les seuls conseils que l’on puisse donner… aujourd’hui, c’est du bon sens. Pour le reste, je crois que quand on ne sait pas, il ne faut pas avoir peur de le dire.
Walid Amara — Quels sont les messages que tu veux faire passer, aux médecins, aux cardiologues, sur l’activité d’exploration fonctionnelle en général, et quel serait également le message principal pour le grand public?
François Carré — À mon avis, le message principal s’adresse aux médecins comme au grand public, après on reviendra vers chacun. Il s’agit de bien comprendre qu’il ne faut pas avoir peur de faire de l’activité physique, non pas spécifiquement dans la période de Covid, mais dans n’importe quelle période d’infection.
Il y a des tas de choses qui circulent, j’ai entendu : « oui, quand on fait un exercice très intense, après l’exercice on peut avoir une période pendant laquelle le système immunitaire défaillant. » Oui, mais on parle d’exercice très intense, on n’est pas du tout en train de parler de cela. Donc quand on lit des articles, il faut les lire vraiment et voir les conditions — en plus, ceci a été décrit chez des patients en très fort surpoids il y a quand même quelques années. Donc on n’est pas du tout sûr de ça. Donc premier point : n’ayez pas peur, n’ayons pas peur de prescrire. Je rappelle à mes amis médecins que si jamais on ne prescrit pas l’activité physique chez un patient qui a une maladie chronique, c’est une perte de chance pour ce patient.
C’est du 1a comme recommandation. C’est comme si je ne donnais pas de bêtabloquants aux insuffisants cardiaques, puisque c’est du 1a, aussi.
Si on s’adresse spécifiquement aux médecins : il va falloir qu’ils prescrivent de l’activité physique adaptée. Donc chaque patient a des limitations, on en tient compte pour proposer quelque chose, si c’est plutôt un renforcement musculaire dont il a besoin, on lui fait faire ça, si c’est plutôt parce qu’il est essoufflé et qu’il s’essouffle très vite à l’effort, ça va être du cardio, classiquement.
Et aux patients, qu’ils comprennent bien qu’effectivement, comme on l’a dit, l’activité physique est un médicament, cela fait partie de leur traitement et ils ne doivent pas avoir peur. De toute façon, notre rôle à nous, médecins, si on leur prescrit quelque chose, c’est d’être est sûr que cela ne va pas être délétère pour eux. Par contre, à eux de respecter ce qu’on leur dit, donc une activité physique modérée.
Walid Amara — Merci beaucoup, François. C’était pour moi un énorme plaisir d’être avec toi. J’espère que vous avez tous trouvé cette vidéo très intéressante et je vous dis à très, très bientôt sur Medscape.
LIENS
- Ile-de-France : doublement des arrêts cardiaques extra-hospitaliers pendant le confinement
- Certificat médical pour le sport : comment s’y retrouver ?
- Activité physique : les médecins ne sont pas (encore) formés
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Citer cet article: Activité physique, épreuves d’effort et réhabilitation en post-Covid – Medscape – 15 juil 2020.