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Vincent Richeux – AUTEURS ET DÉCLARATIONS  – 1er septembre 2022

Arythmies ventriculaires et mort subite: nouvelles recommandations européennes (medscape.com)

Barcelone, Espagne — Les nouvelles recommandations européennes sur la prise en charge des troubles du rythme ventriculaire et la prévention de la mort subite ont été présentées lors du congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC 2022) et publiées simultanément dans l’European Heart Journal [1,2].

Les précédentes dataient de 2015. Parmi les nouveautés à souligner : l’ablation des arythmies prend désormais une place majeure, parfois même chez le patient asymptomatique, tandis que la stratification du risque de mort subite intègre désormais les données d’imagerie cardiaque (IRM) et la génétique pour certaines cardiopathies.

« La progression de l’ablation s’accompagne d’une restriction relative dans l’approche médicamenteuse anti-arythmique et dans la pose du défibrillateur automatique implantable (DAI) chez le patient à risque de mort subite.

Pour la première fois, l’ablation est présentée comme une alternative à la mise en place d’un défibrillateur dans la prise en charge des tachycardies ventriculaires bien tolérées sur cardiopathie ischémique à FEVG ≥ 40% », a commenté auprès de Medscape édition française, le Pr Eloi Marijon (Hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris), qui a participé à l’élaboration du document.

De même, « chez le patient âgé avec une indication théorique à la mise en place d’un DAI, ces nouvelles recommandations insistent bien sur le fait que le praticien peut se poser la question de l’intérêt réel du défibrillateur en cas de comorbidités associées ».

Dans ce document très dense, qui totalise 484 recommandations, les experts insistent également sur la nécessité d’accentuer la participation du grand public dans la lutte contre la mort subite, en formant aux gestes de premiers secours, notamment dès le plus jeune âge.

L’accès aux défibrillateurs automatisés externes (DAE) dans les lieux publics doit également être renforcé.

L’utilisation d’applications permettant de géolocaliser les DAE, mais aussi les volontaires sauveteurs pour les faire intervenir sur un arrêt cardiaque en attendant l’arrivée des secours, doit être considérée (Classe IIa).

« Comparativement aux précédentes, ces recommandations évoquent plus clairement la nécessité d’intégrer le grand public dans la lutte contre la mort subite.

C’est un point important. Si le taux de survie s’est nettement amélioré au cours de ces 15 dernières années, nous observons toujours près de 40 000 cas de morts subites chaque année en France », souligne le Pr Marijon.

Comparativement aux précédentes, ces recommandations évoquent plus clairement la nécessité d’intégrer le grand public dans la lutte contre la mort subite. 

Pr Eloi Marijon

De nouveaux outils de prédiction du risque

En ce qui concerne la prédiction du risque de mort subite, de nouveaux outils font leur apparition, évinçant un peu la simple fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) basse, qui reste toutefois « la pierre angulaire de la stratification rythmique », même si les limites de ce critère sont bien connues, a noté le cardiologue.

« Cette stratification du risque intègre des données génétiques, par exemple dans le cas de la cardiomyopathie dilatée, ainsi que des données d’imagerie, avec l’apport de l’IRM cardiaque, notamment dans la cardiomyopathie hypertrophique. »

Dans la cardiomyopathie dilatée, l’indication de DAI a d’ailleurs été rétrogradée dans ces nouvelles recommandations, passant de la classe I à IIa chez les patients avec une FEVG≤ 35%, preuve de la nécessité de « mieux définir les différentes sous-familles de cette cardiopathie », souligne le Pr Marijon.

« En ce sens, la génétique devient primordiale ».

Pour l’évaluation des arythmies ventriculaires et la recherche d’une cardiopathie sous-jacente, les recommandations distinguent cinq situations pour lesquelles ont été d’élaborés des algorithmes distincts, a indiqué au cours de sa présentation la Pre Katja Zeppenfeld (Leiden University Medical Centre, Leiden, Pays-Bas), co-coordinatrice des recommandations.

Les cinq situations sont les suivantes:

  • Découverte fortuite d’une tachycardie ventriculaire non soutenue (TVNS);
  • Premier épisode de tachycardie ventriculaire soutenue monomorphe (TVSM);
  • Prise en charge du survivant d’un arrêt cardiaque;
  • Prise en charge d’une mort subite;
  • Prise en charge des apparentés d’une victime de mort subite.

En complément de l’électrocardiogramme (ECG) et de l’échocardiographie transthoracique (ETT), qui restent des examens fondamentaux dans l’exploration initiale chez les patients présentant des arythmies ventriculaires, l’IRM y trouve une place très importante.

Par ailleurs, on note le retour de la stimulation ventriculaire programmée qui, en cas de déclenchement d’une tachycardie ventriculaire provoquée, pose l’indication d’un DAI.

Dans cette démarche diagnostique, les tests génétiques ont pris beaucoup d’importance, en comparaison avec les recommandations de 2015, en particulier chez les patients avec une cardiomyopathie dilatée, une cardiomyopathie non dilatée hypokinétique ou une cardiomyopathie hypertrophique.

Cardiopathie ischémique : alignement sur les recommandations américaines 

Concernant le traitement des arythmies ventriculaires dans son ensemble, le document apporte quelques nouveautés.

Point à noter : « ces recommandations accordent plus d’importance au traitement pharmacologique non-anti-arythmique optimal avant d’envisager l’implantation d’un DAI, avec un délai minimum de trois mois de traitement », souligne le Pr Marijon.

Les inhibiteurs de GLT2 (gliflozines) font d’ailleurs leur entrée dans ces recommandations dans le traitement de l’insuffisance cardiaque.

Ces recommandations accordent plus d’importance au traitement pharmacologique non-anti-arythmique optimal avant d’envisager l’implantation d’un DAI, avec un délai minimum de trois mois de traitement. 

Pr Eloi Marijon

Chez les patients présentant une tachycardie ventriculaire soutenue monomorphe (TVSM), la cardioversion électrique externe est désormais à privilégier en alternative à l’approche médicamenteuse, à condition d’avoir un risque anesthésique ou de sédation faible (Classe IC).

En cas de TVSM avec une bonne tolérance hémodynamique associée à une cardiopathie structurelle documentée, le traitement par procaïnamide en intraveineux (non disponible en France) doit être envisagé (Classe IIa, niveau B), tandis que l’amiodarone peut être considéré en l’absence de diagnostic de cardiopathie (Classe IIb, niveauB).

L’approche varie ensuite selon les cardiopathies associées au trouble du rythme.

Dans tous les cas, l’ablation des tachycardies ventriculaires récidivantes est à considérer lorsqu’elles surviennent chez les porteurs de DAI.

Dans la maladie coronaire chronique, en cas de TVSM bien tolérée et de FEVG> 40%, l’ablation est désormais proposée en première intention comme alternative à la pose du défibrillateur (Classe IIa).

En cas de tachycardie ventriculaire non soutenue (TVNS), le recours à la stimulation ventriculaire programmée (SVP) apporte désormais une aide dans la décision de mettre en place un défibrillateur automatique.

L’implantation doit être envisagée en cas de SVP positive chez les patients coronariens avec une FEVG ≤ 40 % présentant des TVNS malgré un traitement médical optimal de plus de trois mois (Classe IIa).

Chez les coronariens avec une FEVG ≤ 30% et une insuffisance NYHA de classe I malgré un traitement médical optimal de plus de trois mois, l’implantation d’un DAI en prévention primaire doit être considérée (Classe IIa).

« Auparavant, l’implantation était envisagée avec au minimum une NYHA de classe II. Sur ce point, on s’accorde enfin avec les recommandations américaines », a commenté le Pr Marijon.

L’ablation proposée même chez les asymptomatiques

Dans l’extrasystole ventriculaire (ESV) / tachycardie ventriculaire idiopathique, le traitement par amiodarone n’est pas recommandé (Classe III).

L’ablation est désormais recommandée en première intention (Classe I), alors qu’elle était auparavant préconisée en deuxième intention après échec du traitement médicamenteux dans le cas des ablations de la branche gauche.

Un traitement par bêta-bloquants ou inhibiteurs calciques non-dihydropyridines ou flécaïne est à considérer en deuxième intention (Classe IIa).

Nouveauté :  en cas d’ESV/tachycardie ventriculaire idiopathique avec plus de 20% de charge totale en ESV, l’ablation peut être même proposée chez les patients asymptomatiques (Classe IIb).

En cas d’ESV/tachycardie ventriculaire idiopathique avec plus de 20% de charge totale en ESV, l’ablation peut être même proposée chez les patients asymptomatiques.

Si la FEVG se dégrade de manière inexpliquée chez les patients avec une charge quotidienne en ESV> 10%, le diagnostic de cardiomyopathie ESV-induite doit être envisagée et une ablation est alors indiquée (Classe IIa).

S’agissant de la cardiomyopathie dilatée (CMD) et de la cardiomyopathie non dilatée hypokinétique (CMNDH), la réalisation d’un test génétique est recommandée en cas de trouble de la conduction auriculoventriculaire avant 50 ans, d’antécédents familiaux de CMD/CMNHD avant 50 ans et d’antécédent de mort subite avant 50 ans chez un apparenté du premier degré (Classe I).

En cas d’antécédents familiaux de premier degré, la réalisation d’un ECG et d’une ETT est à considérer (Classe IIa), tout comme une IRM avec injection de gadolinium pour évaluer le risque rythmique (Classe IIa).

Chez les patients avec CMD/CMNHD associée à une FEVG ≤ 50% et au moins deux facteurs de risque (syncope, SVP positive, rehaussement tardive ou mutations LMNA, PLN, FLNC et RBM20), la pose d’un DAI est à considérer (Classe IIa).

En cas de FEVG≤ 35%, NYHA de classe II et III après un traitement médical optimal de trois mois, la pose d’un DAI n’est cette fois plus recommandé, mais est également à considérer (Classe IIa).

Cardiomyopathie hypertrophique: l’indication du DAI élargie 

Dans la cardiomyopathie hypertrophique (CMH), le recours à l’IRM avec injection de gadolinium est recommandé pour le diagnostic (Classe I).

En cas d’antécédent familial de premier degré, l’ECG et l’échocardiogramme sont recommandés (Classe I).

La réalisation des tests génétiques pour évaluer le risque de mort subite et l’accompagnement en cas de test positif doivent être menés par une équipe d’experts multidisciplinaires (Classe I).

L’implantation d’un DAI est toujours à envisager en prévention primaire (Classe IIa) chez les patients de plus de 16 ans avec une CMH présentant un risque de mort subite élevé (>6% à cinq ans).

En cas de risque intermédiaire (entre 4 et 6%), l’implantation est désormais à considérer lorsque l’un des critères suivants est présent :

  • Présence d’une fibrose à l’IRM (>15% de la masse du ventricule gauche) révélée par un rehaussement tardif du gadolinium
  • FEVG < 50%
  • Anomalie de pression artérielle en réponse au test d’effort
  • Anévrisme apical du ventricule gauche
  • Présence d’une mutation pathologique sarcomérique

Pour ce qui est de la cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène, une suspicion doit conduire à une démarche diagnostique s’appuyant sur l’IRM et sur une consultation génétique (Classe I).

Une stimulation ventriculaire programmée peut être envisagée chez des patients présentant des symptômes suspects d’arythmie ventriculaire (Classe IIb).

Une stimulation ventriculaire programmée peut être envisagée chez des patients présentant des symptômes suspects d’arythmie ventriculaire.

En cas de DAVD confirmée symptomatique avec dysfonction modérée du ventricule gauche ou droite et une stimulation ventriculaire programmée positive ou des épisodes de TVNS, l’implantation d’un DAI est à envisager (Classe IIb). Cette option doit être considérée en cas de dysfonction sévère d’un ventricule ou après une syncope inexpliquée (IIa).

Le DAI à envisager sur myocardite aiguë

Concernant les maladies inflammatoires associées à des arythmies ventriculaires, la pose d’un défibrillateur doit désormais être envisagée (Classe IIa) chez les patients avec une myocardite aiguë avant la sortie d’hôpital en cas de tachycardie ventriculaire mal tolérée ou d’association avec un spasme coronaire.

« Auparavant, nous avions tendance à considérer qu’il y avait une cause réversible et un traitement antispastique était mis en place et une réévaluation était conduite après trois mois de traitement », précise le Pr Marijon.

Le DAI est aussi à envisager après des tachycardies sur myocardite chronique (Classe IIa).

L’ablation est à considérer en cas d’arythmies récurrentes en postmyocardite, malgré un traitement antiarythmique (Classe IIa).

L’implantation du DAI est également à considérer chez les patients présentant une sarcoïdose cardiaque et avec une FEVG> 35% après résolution de la phase inflammatoire en cas de fibrose révélée par un réhaussement tardif à l’IRM (IIa).

Si le rehaussement est mineur, la réalisation d’une stimulation ventriculaire programmée peut guider l’indication du DAI pour une FEVG jusqu’à 50% (classe IIa).

Là encore, l’ablation peut être envisagée dans cette indication en cas d’arythmies répétées malgré un traitement anti arythmique.

Chez les patients avec un syndrome de Brugada, l’implantation d’un Holter longue durée doit être considérée après une syncope inexpliquée (Classe IIa).

L’ablation n’est pas recommandée chez les patients asymptomatiques (Classe III), mais est à envisager en cas d’arythmie ventriculaires récidivantes ou de choc par le DAI malgré un traitement médicamenteux bien conduit (Classe IIa).

Enfin, dans le syndrome du QT long, les tests génétiques sont également recommandés pour mieux évaluer le risque rythmique (Classe I).

Pour réduire le risque d’arythmie, les bêtabloquants non cardio-sélectifs (nadolol ou propanolol) sont recommandés (Classe I), tout comme la mexiletine dans le traitement du syndrome du QT long de type 3 (Classe I).

En cas de récidive sous traitement bien conduit, la dénervation cardiaque doit être proposée (IIa).

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Références

  1. Zeppenfeld  K, Tfelt-Hansen J, 2022 ESC Guidelines on ventricular arrhythmias and sudden cardiac death, ESC 2022, présentation du 26 août 2022, Barcelone (Espagne).
  2. Zeppenfeld K, Tfelt-Hansen J, De Riva M,  2022 ESC Guidelines for the management of patients with ventricular arrhythmias and the prevention of sudden cardiac death, European Heart Journal, publication en ligne du 26 août 2022.

Crédit image de Une : Dreamstime

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Citer cet article: Arythmies ventriculaires et mort subite: nouvelles recommandations européennes – Medscape – 1er sept 2022.