Medscape Logo mardi 17 décembre 2019

ACTUALITÉS & OPINIONS FORMATION MÉDICALE CONTINUE

Actualités & Opinions > Actualités Medscape

Dr Jean-Claude Lemaire AUTEURS ET DÉCLARATIONS  16 décembre 2019

Finlande — La mort subite d’origine cardiaque (SCD) est une cause importante de mortalité de par le monde, elle est notamment responsable de 10 à 20% des décès dans les pays industrialisés et repérer les personnes à risque avant la survenue de l’événement reste globalement un défi à relever.

Une étude finlandaise publiée dans Heart, organe officiel de la British Cardiac Society, apporte une lueur d’espoir en suggérant que la combinaison de plusieurs anomalies électrocardiographiques permettrait d’identifier, dans la population générale, les sujets présentant un risque accru de SCD[1].

Prédire est un art difficile

Pour bien prendre en compte l’ampleur du défi à relever, il suffit sans doute de rappeler que dans près d’un cas sur deux, la SCD se trouve être la manifestation inaugurale et finale d’un problème cardiaque méconnu, les sujets décédés n’ayant aucune maladie cardiaque diagnostiquée.

« A ce jour, la stratification du risque en vue d’une prévention primaire de la SCD par implantation d’un pacemaker repose sur la réduction de la fraction d’éjection ventriculaire gauche », rappelle l’équipe finlandaise qui fait cependant remarquer que « la plupart des victimes de SCD ont une fraction d’éjection normale ou modérément réduite ». Situation qui les a incité à évaluer plusieurs paramètres ECG connus pour être associés à la SCD, développer un score de risque ECG cumulatif et déterminer son aptitude à identifier les sujets à haut risque de SCD.

Pour ce faire, les investigateurs ont utilisé les données de 6830 sujets participants à l’enquête Mini-Finland Health de la Sécurité Sociale locale, une étude de cohorte de population générale menée en 1978-1980 et représentative des adultes finlandais âgés d’au moins 30 ans (âge moyen 51,2 ± 13,9 ans ; 45,5% d’hommes). Ces sujets ont été suivis jusque fin 2011 dans les registres sanitaires appropriés, soit en moyenne pendant 24,3 ± 10,4 ans.

Dans un premier temps, les investigateurs ont analysé l’association entre les diverses anomalies individuelles repérables facilement sur un ECG standard et le risque de SCD à 10 ans. Pendant cette période moyenne de 10 ans (9,3 ± 2,0 ans) 986 sujets sont décédés (14,4%) dont 123 de SCD (12,5% de l’ensemble des décès). Ils ont ensuite développé un score de risque cumulatif à partir des 5 données qui avait chacune été indépendamment associée à un risque significativement accru de SCD.

Un score de risque basé sur 5 anomalies ECG

Les 5 anomalies retenues (prévalence dans la cohorte) sont une fréquence cardiaque >80 battements par minute (15,6%), une durée de PR >220 millisecondes (2,1%), une durée de QRS >110 millisecondes (4,5%), une hypertrophie ventriculaire gauche critères ECG de Sokolow-Lyon (13,9%) et une inversion de l’onde T (4,8%).

Aucune anomalie ECG n’était présente chez 4 563 sujets (66,8%), 1859 sujets (27,2%) en présentaient une, 312 (4,6%) en présentaient deux et 96 (1,4%) en présentaient 3 ou plus. Les sujets ayant au moins une anomalie étaient globalement plus âgés, avaient une systolique plus élevée et étaient plus souvent diabétiques, coronariens ou insuffisants cardiaques (p<0,001 dans tous les cas).

« Nous avons pu montrer que le risque de SCD augmentait progressivement avec chaque anomalie ECG supplémentaire et les sujets en ayant 3 ou plus avaient le risque de SCD le plus élevé », indiquent les chercheurs.

Nous avons pu montrer que le risque de SCD augmentait progressivement avec chaque anomalie ECG supplémentaire. British Cardiac Society

Un outil de prédiction relativement spécifique

Par rapport aux sujets sans anomalies ECG, le risque à 10 ans est plus de 10 fois plus important chez ceux qui en ont au moins trois : HR 10,23 (IC 95% 5,29-19,80), p<0,001.

Chez ces mêmes sujets en revanche, la probabilité d’autres modes de décès est augmentée, mais de façon plus modérée, par rapport aux sujets sans anomalie ECG : HR 2,83 (IC 95% 1,79-4,48), p<0.001).

Dans le cadre du suivi de 10 ans, 70% des sujets avec ≥ 3 anomalies ECG sont décédés, dont 24% de SCD versus 9% des sujets sans anomalies de l’ECG, dont 7% de SCD.

Globalement les données indiquent que le score de risque développé est un outil de prédiction relativement spécifique des SCD.

La validation du score de risque a été effectuée sur 10 617 sujets (âge moyen 44,0 ± 8,5 ans ; 52,7% d’hommes) ayant pris part à une étude de cohorte de population générale indépendante (Coronary Heart Disease Study). Le score a prédit le risque de SCD à 10 ans de façon similaire en montrant un HR progressivement croissant avec le nombre d’anomalies et aboutissant à un HR de 10,82 (IC 95% de 3,23 à 36,25) pour les sujets avec ≥3 anomalies ECG par rapport aux sujets sans anomalies.

Les investigateurs reconnaissent que, comme c’est le cas pour toutes les études observationnelles, leurs résultats sont à considérer avec prudence. Ils mériteraient sans doute d’être confirmés de façon prospective dans le cadre d’une étude randomisée, ce qui a cependant peu de chances d’arriver en raison du coût et des difficultés prévisibles de financement.

Le message à retenir

« Le score de risque a été capable de distinguer avec succès les sujets à bas et haut risque, ce qui témoigne de son utilité pour identifier les sujets à haut risque de SCD au sein de la population générale ».

On peut par ailleurs ajouter que l’amélioration de la stratification du risque de SCD offerte par le score développé devrait idéalement conduire au minimum à un renforcement du contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire chez les sujets concernés et le cas échéant à mener des explorations plus poussées pour évaluer le bien fondé d’une prévention active chez certains sujets.

Ce travail a été financé par plusieurs fondations finlandaises. Les investigateurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt 

LIENS

Références : Actualités Medscape © 2019 WebMD, LLC

Citer cet article: Un score ECG pour déterminer le risque de mort subite d’origine cardiaque – Medscape – 16 déc 2019.